<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Victor Hugo président !
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Trop souvent considéré comme un poète égaré en politique, Victor Hugo visait le pouvoir suprême. Déçu par les princes qui avaient dédaigné ses conseils, il envisagea de se présenter à l’élection présidentielle de 1852, qui n’eut jamais lieu pour cause de coup d’État. À défaut de la présider, il incarna la République dans l’exil. Pair de France, puis trois fois élu représentant du peuple et sénateur à la fin de sa vie, le poète avait des idées politiques précises, auxquelles il resta fidèle malgré son passage de droite à gauche. Florilège…

Article publié dans Histoire Magazine N°11

Allemagne
« La France et l’Allemagne sont essentiellement l’Europe. L’Allemagne est le cœur ; la France est la tête. – La France et l’Allemagne sont essentiellement la civilisation. L’Allemagne sent ; la France pense. » Le Rhin, 1842

Anarchie
« C’est l’anarchie qui ouvre les abîmes, mais c’est la misère qui les creuse. Vous avez fait des lois contre l’anarchie, faites maintenant des lois contre la misère.»
Assemblée nationale législative, 9 juillet 1849

Diplomatie
« La diplomatie n’est autre que la ruse des princes contre la logique de Dieu. Mais, dans un temps donné, Dieu a raison. »
Pendant l’exil. La Crète, 6 février 1869

Éducation
« À mon sens, le but lointain sans doute, et difficile à atteindre, j’en conviens, mais auquel il faut tendre dans cette grande question de l’enseignement, le voici : l’instruction gratuite et obligatoire. (Vives exclamations à droite.) »
Assemblée nationale législative,15 janvier 1850

Élite
« Une élite n’existe qu’à la condition de représenter la foule…» Pendant l’exil. Congrès de la paix,4 septembre 1869

Euro
« Une monnaie continentale, à double base métallique et fiduciaire, ayant pour point d’appui le capital Europe tout entier et pour moteur l’activité libre de deux cents millions d’hommes, cette monnaie, une, remplacerait et résorberait toutes les absurdes variétés monétaires d’aujourd’hui, effigies de princes, figures des misères ; variétés qui sont autant de causes d’appauvrissement ; car, dans le va-et-vient monétaire, multiplier la variété, c’est multiplier le frottement ; multiplier le frottement, c’est diminuer la circulation. En monnaie, comme en toute chose, circulation, c’est unité. »
Pendant l’exil. Sixième anniversaire du 24 février 1848,
24 février 1855

Europe
« Un jour viendra où la guerre paraîtra aussi absurde et sera aussi impossible entre Paris et Londres, entre Pétersbourg et Berlin, entre Vienne et Turin, qu’elle serait impossible et qu’elle paraîtrait absurde aujourd’hui entre Rouen et Amiens, entre Boston et Philadelphie. Un jour viendra où vous France, vous Russie, vous Italie, vous Angleterre, vous Allemagne, vous toutes, nations du continent, sans perdre vos qualités distinctes et votre glorieuse individualité, vous vous fondrez étroitement dans une unité supérieure, et vous constituerez la fraternité européenne, absolument comme la Normandie, la Bretagne, la Bourgogne, la Lorraine, l’Alsace, toutes nos provinces, se sont fondues dans la France. »
Avant l’exil. Congrès de la paix, 21 août 1849

Guerre
« Hélas, les rois s’acharnent à la guerre ; nous les peuples, acharnons-nous à l’amour. »
Depuis l’exil. Inauguration du tombeau de Ledru-Rollin,
24 février 1878

Justice
« Quand les hommes mettent dans une loi l’injustice, Dieu y met la justice et il frappe avec cette loi ceux qui l’ont faite. (Approbation à gauche.) »
Assemblée nationale législative, 5 avril 1850

Liberté
« Dès à présent je réclame, et je réclamerai jusqu’à mon dernier jour, la liberté de l’intelligence ; car, pour que l’intelligence donne à la société toute sa lumière, il faut que la société lui laisse toute sa liberté. (Mouvement en sens divers.) »
Assemblée nationale constituante, 20 septembre 1848

Littoral
« Je demande que la question grave du littoral soit mise désormais à l’ordre du jour pour les pouvoirs comme pour les esprits. Ce n’est pas trop de toute l’intelligence de la France pour lutter contre toutes les forces de la mer. (Approbation sur tous les bancs.) »
Chambre des pairs,27 juin et 1er juillet 1846

Magistrature
« La justice triomphera de la magistrature. »
Depuis l’exil. Le Seize mai,20 mai 1877

Ministre
« Les ministres disent ce qu’on veut pour que l’on fasse ce qu’ils veulent. »
Reliquat de Littérature et philosophie mêlées

Misère
« Je ne suis pas, messieurs, de ceux qui croient qu’on peut supprimer la souffrance en ce monde ; la souffrance est une loi divine ; mais je suis de ceux qui pensent et qui affirment qu’on peut détruire la misère. (Mouvements divers.) La misère est une maladie du corps social absolument comme la lèpre est une maladie du corps humain ; elle peut disparaître comme la lèpre a disparu. »
Assemblée nationale législative, 9 juillet 1849

Mondialisation
« Grâce aux chemins de fer, l’Europe bientôt ne sera pas plus grande que ne l’était la France au moyen âge ! Grâce aux navires à vapeur, on traverse aujourd’hui l’Océan plus aisément qu’on ne traversait autrefois la Méditerranée ! Avant peu, l’homme parcourra la terre comme les dieux d’Homère parcouraient le ciel, en trois pas. Encore quelques années, et le fil électrique de la concorde entourera le globe et étreindra le monde. (Applaudissements.) »
Avant l’exil. Congrès de la paix,1870

Parlement européen
« Dans la vieille cité du dix août et du vingt-deux septembre, déclarée désormais la Ville d’Europe, Urbs, une colossale assemblée, l’assemblée des États-Unis d’Europe, arbitre de la civilisation, sortie du suffrage universel de tous les peuples du continent, traiterait et réglerait, en présence de ce majestueux mandant, juge définitif, et avec l’aide de la presse universelle libre, toutes les questions de l’humanité et ferait de Paris au centre du monde un volcan de lumière. »
Pendant l’exil. Sixième anniversaire du 24 février 1848,
24 février 1855

Peine de mort
« Messieurs, il y a trois choses qui sont à Dieu et qui n’appartiennent pas à l’homme : l’irrévocable, l’irréparable et l’indissoluble. Malheur à l’homme s’il les introduit dans ses lois ! (Mouvement.) Tôt ou tard elles font plier la société sous leur poids, elles dérangent l’équilibre nécessaire des lois et des mœurs ; elles ôtent à la justice humaine ses proportions ; et alors il arrive ceci, réfléchissez-y, messieurs, (Profond silence) que la loi épouvante la conscience ! (Sensation.) […] Je vote l’abolition pure, simple et définitive de la peine de mort. »
Assemblée nationale constituante, 15 septembre 1848

Progrès
« Si vous ne voulez pas du progrès, vous aurez les révolutions !
Aux hommes assez insensés pour dire : “L’humanité ne marchera plus”, Dieu répond par la terre qui tremble. »
Assemblée nationale législative, 15 janvier 1850

Respect
« Le respect se compose de conseils justes. Dire la vérité, c’est aimer. »
Pendant l’exil. Cuba, 1870

Révolution
« Je le répète, comment termine-t-on une révolution ? En l’acceptant dans ce qu’elle a de vrai, en la satisfaisant dans ce qu’elle a de juste. »
Assemblée nationale législative, 19 octobre 1849

Superpuissance
« Être un colosse n’est rien si l’on n’est un esprit. La Turquie a été colosse, la Russie l’est, l’empire allemand le sera : énormités faites de ténèbres ; géants reptiles. Le géant, plus les ailes, c’est l’archange. La France est suprême parce qu’elle est ailée et lumineuse. »
Depuis l’exil. Aux rédacteurs du Rappel, 31 octobre 1871

Utopie
« Celui qui rêve est le préparateur de celui qui pense. Le réalisable est un bloc qu’il faut dégrossir, et dont les rêveurs commencent le modelé. Ce travail initial semble toujours insensé. La première phase du possible, c’est d’être impossible. Quelle quantité de folie y a-t-il dans le fait ? Épaississez tous les songes, vous avez la réalité. Concentration auguste de l’utopie, semblable à la concentration cosmique, qui de fluide devient liquide, et de liquide solide. À un certain moment l’utopie est maniable ; c’est là que le philosophe la quitte et que l’homme d’état la prend, l’homme d’état n’étant que le deuxième ouvrier. Il n’est rien qui ne débute par l’état visionnaire. »
Paris, mai 1867

Extraits du livre de Bruno Fuligni,
Victor Hugo président !
(CNRS Éditions, coll. « Biblis », 2021. 10 €).

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À propos de l’auteur
Bruno Fuligni

Bruno Fuligni

Bruno Fuligni, écrivain, historien, maître de conférences à Sciences Po, est l’auteur de trente livres dont Tour du monde des terres françaises oubliées (Éditions du Trésor). Il publie L’argot des manchots. Petit lexique en usage dans les Terres australes et antarctiques françaises (Hémisphères) - Histoire amusée des promesses électorales (Tallandier) - Les lois folles de la République (JC Lattès) - Souvenirs de police (coo."Bouquins", Robert Laffont). l vient de publier le manuscrit inédit de Marie-Justine Pesnel, "Les Confessions de Madame Cent-Kilos" (JC Lattès).
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