Par Olivier Grenouilleau

Abondamment cité, rarement lu, Paris et le désert français fait partie de ces ouvrages célèbres et méconnus à revisiter avec profit. Un titre sonnant comme les cloches annonciatrices d’un danger, une idée aussi forte que simple — la France se meurt de la centralisation parisienne — constituent deux ingrédients de son succès. D’autant que le moment où paraît l’ouvrage, l’année 1947, n’est pas anodin : alors que l’Est et l’Ouest entrent en Guerre froide, la France tente de se relever des décombres du second conflit mondial, espérant se doter d’un régime plus stable que celui de la IIIe république défunte.

Issu de réflexions menées durant l’entre-deux-guerres et poursuivies sous Vichy, l’auteur a pour objet de projeter son pays dans l’avenir, de le « moderniser ». D’où ce mélange de traits anciens et nouveaux que l’on peut aujourd’hui, après coup, relever dans son livre. La France y est perçue comme un organisme vivant ayant besoin, pour se développer harmonieusement, d’établir un équilibre entre ses différentes parties — métropoles et villes secondaires, régions, villes et campagnes. Raoul Dautry, ministre de la Reconstruction et de l’Urbanisme (1944-1946) le dit dans sa préface : il faut « une répartition mesurée et une judicieuse dispersion des activités ». Pour cela, chez Gravier, la démographie est première : il importe de trouver une sorte de densité idéale et, pour ce faire, de mobiliser les ressources de la toute nouvelle planification à la française. On la sait indicative et moins impérative que la soviétique. Cela n’empêche pas Gravier de décocher ses flèches les plus acérées en direction d’un libéralisme économique perçu comme destructeur dès lors qu’il n’est pas contrôlé.

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