Marqueur social unique, la viande bovine est une des plus riches en péripéties de toute l’histoire de la cuisine française. Entre bons morceaux et viles récupérations, retour sur des siècles de consommation.

Morceaux nobles et bas morceaux
Dans l’Occident Chrétien, durant des siècles, la viande de bœuf est réservée aux banquets, aux riches et aux citadins. L’augmentation de sa consommation connaît un essor considérable, entre la moitié du XVIIe siècle et la fin du XVIIIe siècle, dans la capitale notamment. La raison en est simple : elle suit la courbe démographique de la population, or Paris est la deuxième ville d’Europe, après Londres, à compter une élite, composée de marchands et d’artisans, résolument amatrice de viande.
Mais la répartition des différents morceaux est révélatrice de la disparité sociale, car seuls les plus fortunés peuvent s’offrir les plus frais et les plus tendres. En 1746, un ouvrage culinaire, appelé à être réédité de nombreuses fois, « La Cuisinière bourgeoise » de Menon, établit clairement et avec un mépris à peine dissimulé, une distinction entre consommateurs de produits carnés :
« En expliquant les principales parties du bœuf, je n’entrerai point dans le détail de ce que nous appelons basse boucherie : cette viande n’est d’usage que dans le bas peuple ; l’accommodage chez eux est force sel, poivre, vinaigre, ail, échalote, pour en relever le goût insipide. Voici ce qui est d’usage chez les bourgeois et gens qui tiennent bonne table : la cervelle, la langue, le palais, les rognons, la graisse, la queue. Dans la cuisse, nous avons la culotte, la tranche, la pièce ronde, le gîte à la noix, le cimier, la moelle. Après la cuisse sont l’aloyau, les charbonnées, les flanchets et les entrecôtes, la poitrine, les tendrons de poitrine, les palerons ».

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