<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Oradour-sur-Glane

conduits dans des granges et des garages, où ils sont exécutés en masse, à la mitrailleuse, au fusil, au pistolet ; les corps sont ensuite livrés aux flammes, et ceux qui ont survécu aux balles périssent brûlés vifs. Femmes et enfants, eux, sont parqués dans l’église : les SS y introduisent une caisse, qui, à la suite d’une détonation, émet une fumée asphyxiante ; prise de panique, la foule tente de gagner les sorties de l’édifice religieux, mais les SS abattent tout le monde, par balles et par lancers de grenades, avant de brûler les corps. Ils tentent sans succès de faire exploser l’église, mais parviennent à incendier le lieu saint. Le village est livré au pillage, et entièrement incendié. On dénombrera 642 victimes, dont 221 femmes, 147 écoliers de 6 à 14 ans et 68 enfants de moins de six ans… ( S’abonner pour lire la suite)


Commis quatre jours après le Débarquement de Normandie, ce crime frappe la France de stupeur. Monnaie courante à l’Est, une telle atrocité est en revanche exceptionnelle en Europe occidentale. Il est vrai que la division « Das Reich », affectée dans le sud-ouest de la France, a été employée avec la plus extrême brutalité contre la Résistance. Le 9 juin, à Tulle, elle a pendu 99 hommes, auxquels s’ajoutent 20 autres fusillés, et 200 personnes déportées, pour faire payer aux maquisards leur libération, intervenue trop tôt, de la ville. À Oradour, village dépourvu d’activité maquisarde, les SS n’ont pas cherché, comme on l’a parfois écrit, à libérer ou venger un officier SS capturé par la Résistance, mais à terroriser, purement et simplement, pour dissuader la population française de soutenir les « bandes terroristes ». La « Das Reich » pourra alors gagner le front de Normandie, où elle sera décimée par les libérateurs…
« Oradour » devient un sinistre nom commun. Au procès de Nuremberg, il symbolise la barbarie des Waffen SS. En France, il est décidé de ne pas rebâtir le village sur le lieu des ruines, lesquelles seront laissées en l’état, puis entretenues, figeant dans le temps l’épisode de l’extermination. Mais ce crime exceptionnel connaîtra des suites judiciaires décevantes. Il faut attendre 1953 pour que s’ouvre à Bordeaux le procès de 21 accusés, tous des sous-fifres, dont… 13 Alsaciens incorporés de force ! La France se rappelle alors que l’Alsace et la Moselle avaient été annexées de fait par le Troisième Reich, qui, sous la contrainte, avait enrégimenté 130 000 hommes de la région. En d’autres termes, le crime d’Oradour révèle un autre crime de guerre, celui de l’enrôlement forcé de la jeunesse d’Alsace-Moselle. L’Alsace prend fait et cause pour les accusés qui en sont originaires. Pour se la concilier, et aussi pour se ménager l’Allemagne de l’Ouest, la France votera une loi d’amnistie pour les Alsaciens incorporés de force, et se montrera indulgente envers les autres condamnés, si bien que la totalité d’entre eux sera libérée avant la fin des années cinquante. Les commandants de la « Das Reich », Lammerding en tête, échapperont également à un procès, à l’exception d’un sous-lieutenant, Heinz Barth, condamné à la réclusion à perpétuité en Allemagne de l’Est en 1983 — mais libéré pour raisons de santé en 1997. Les victimes n’obtiendront jamais justice, ce qui ne sera pas sans entraver le travail de deuil.

L’auteur : Nicolas Bernard, avocat, est spécialiste de la Deuxième Guerre mondiale et contribue à plusieurs revues d’histoire militaire. Dès leur sortie, La Guerre germano-soviétique (Tallandier, 2013) et La Guerre du Pacifique (Tallandier, 2016), se sont imposés comme des références.

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Nicolas Bernard, avocat, est spécialiste de la Deuxième Guerre mondiale et contribue à plusieurs revues d’histoire militaire. Dès leur sortie, La Guerre germano-soviétique (Tallandier, 2013) et La Guerre du Pacifique (Tallandier, 2016), se sont imposés comme des références.
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