On y relève notamment qu’alors même qu’elle est le fait d’anciens militaires de l’armée tchécoslovaque, l’essentiel des activités de résistance prend une forme non-militaire et reste malgré tout d’une faible efficacité. Les causes en sont analysées avec précision par l’auteur. Avant le printemps 1945, le Protectorat demeure ainsi pour l’armée allemande un havre de paix relatif dans l’Europe occupée, particulièrement lorsqu’on le compare avec la Grèce et la Yougoslavie. Comme l’exprime un historien tchèque, « la subtilité des manœuvres politiques des Tchèques durant les deux premières années de l’Occupation défie toute tentative de classification… La frontière entre collaboration et résistance était fluide et la même personne participa souvent aux deux à la fois. »
La résistance tchèque se réveille seulement au printemps 1945. « Deux formes de résistance émergent : celle de groupes de partisans qui entrent en action dans les campagnes en avril 1945 d’une part, celle des “insurgés de mai”, urbaine et plus massive d’autre part. » À Prague, l’insurrection ne commence vraiment que le 5 mai.
L’année 1945 voit aussi la fin des discriminations à l’égard des Slovaques dans l’armée. Leur proportion dans le corps des officiers passe de 3,4 % avant la guerre à 10 % en 1945, puis 16 % à la fin de la décennie.
La seconde partie du livre comporte des développements fort intéressants sur les mutations de l’armée tchécoslovaque après-guerre en parallèle avec la transformation du pays en République populaire (progressivement jusqu’au « coup de Prague » de février 1948, puis plus brutalement ensuite). Malgré une forte convergence avec les autres armées du bloc de l’Est dans une optique d’interopérabilité, l’armée tchécoslovaque conserve malgré tout certaines traditions qui lui sont propres, comme la mise en valeur du hussitisme et des victoires militaires hussites au XVe siècle.
Après la mort de Staline, l’armée tchécoslovaque est rapidement considérée par l’OTAN comme la meilleure force du bloc de l’Est.
Paul Lenormand, Tchécoslovaques en guerre. De Munich à la guerre froide, Passé Composés/Ministère des Armées, 2023, 350 pages, 23 euros