Débarrassons-nous d’abord d’images qui traînent encore dans certains ouvrages ou manuels d’histoire : Louis XVI, en bras de chemise, cheveux en bataille, affairé en sueur à sa forge dans les combles de Versailles, frappant le fer ou limant une serrure ; ou encore, s’il n’est pas à son atelier, voilà qu’il passe son temps à la chasse, conjurant l’obésité menaçante par de rudes exercices physiques. Ce monarque débonnaire, bien intentionné, certes, mais lourd, apathique, dramatiquement faible, est surpris et saisi par la bourrasque révolutionnaire. Prisonnier d’une éducation traditionnelle, il prépare alors la contre-révolution, avec la complicité des émigrés, trahissant son propre pays et le précipitant dans la guerre. Il meurt guillotiné à trente-sept ans, sans avoir rien compris des temps nouveaux…
Portrait caricatural, foncièrement erroné ! Assurément, la personnalité de l’homme est difficile à cerner. « Deux boules de billard huilées que l’on s’efforcerait en vain de tenir ensemble », dit son frère le comte de Provence. Il pousse à l’extrême le culte du secret. « J’aime mieux, dira-t-il à son avocat Malesherbes, laisser interpréter mes silences plutôt que mes paroles. »
Loin d’être un benêt, il est intelligent, cultivé, possède une mémoire prodigieuse. Il connaît parfaitement l’anglais, lit les journaux de Londres et s’intéresse aux débats de la Chambre des Communes. Il a un goût prononcé pour la marine, domaine dans lequel il a acquis de remarquables connaissances. Il a joué, on le sait, un rôle déterminant dans la reconstitution de la marine royale, qui a contribué à la victoire sur l’Angleterre et à l’indépendance américaine.
Il aime sans doute la chasse et les travaux fins d’horlogerie, mais prise aussi la lecture, se passionne pour les sciences, pour la géographie. C’est lui qui rédige en partie les instructions de La Pérouse partant pour son expédition autour du monde. L’analyse de sa correspondance révèle des capacités remarquables en politique étrangère, où il peut en remontrer à son ministre Vergennes. Il sait aussi faire preuve de grande fermeté, notamment vis-à-vis de l’Autriche, malgré les pressions de sa femme.
Cela dit, on se gardera d’occulter ses faiblesses,
Ce contenu est réservé aux abonnés. Connectez-vous pour y accéder.
