Par Hélène MENARD

Les réalités du brigandage sont parfois difficiles à définir, en raison de l’image fictionnelle du brigand, très présente dans les sources littéraires, mais aussi parce que les Romains qualifiaient de brigandage des phénomènes variés. Si la criminalité organisée reste difficile à évaluer, elle constitue une réalité bien présente dans l’empire romain. Figures familières des sources antiques, les brigands peuplent l’imaginaire et incarnent la peur d’un destin incertain soumis à la violence et à la prédation. Mais au-delà d’un topos (lieu commun) littéraire, ils incarnent aussi les ennemis de l’ordre romain, dont comportements ou activités sont criminalisés.

Galien, le plus célèbre médecin romain de l’Antiquité, raconte comment il trouva de façon providentielle un squelette à examiner : cheminant dans une zone montagneuse, il aperçut les restes d’un homme, un peu à l’écart de la route. Il avait été tué là, précise le médecin, par un voyageur que ce brigand avait attaqué, mais qui lui avait efficacement résisté. Aucun habitant de la région n’avait pris la peine de l’ensevelir et en deux jours, sa chair avait été dévorée par des oiseaux de proie, laissant le squelette nettoyé, au grand bonheur de celui qui voulait apprendre l’anatomie (Procédures anatomiques, 1.2). La localisation de cette rencontre fortuite n’est pas connue, mais l’environnement tel qu’il est décrit — une route dans une zone de montagne — renvoie à l’image d’un brigandage endémique dans des territoires peu fréquentés et dangereux pour les voyageurs.

Un large spectre d’activités criminelles

comme le montre la mésaventure d’un vétéran de la IIIe légion Auguste, Nonius Datus, vers 153 de notre ère (sans doute dans les mêmes années que la découverte fortuite par Galien du squelette de brigand). Cet ingénieur topographe (librator) avait été rappelé pour vérifier le bon accomplissement du creusement d’une galerie souterraine amenant de l’eau à Saldae (actuelle Béjaïa en Petite Kabylie). Dans l’inscription commémorant l’achèvement de ce chantier, Nonius Datus raconte comment, sans escorte militaire, pour se rendre de Lambèse à cette cité de Maurétanie Césarienne, il croise des brigands : « Je suis parti, et en chemin, j’ai été la victime de brigands ; j’en ai réchappé avec les miens, dépouillé et battu » (CIL, VIII, 2728). Cela finissait parfois bien plus mal : une cinquantaine d’épitaphes pour l’ensemble de l’empire romain, seulement, mais qui mentionnent une mort violente, de la main de brigands. Elles sont un témoignage direct de l’importance du phénomène, à travers la diversité des personnes tuées (d’une petite fille de dix ans jusqu’à un vétéran), des biens dérobés, comme des régions dans lesquelles ces morts violentes se sont produites.
Outre les routes, les résidences rurales pouvaient aussi être la cible des attaques de brigands : ainsi, en 177 de notre ère, les empereurs Marc

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