Au cœur des questions géopolitiques et religieuses qui ont agité le Moyen-Orient médiéval, l’histoire des Assassins d’Alamût occupe une place à part. Alors que beaucoup d’ouvrages leur ont été déjà consacrés, pourquoi réinstruire un dossier déjà volumineux ?
Yves Bomati: A vrai dire, malgré tout ce qui a été écrit sur les Assassins au fil du temps, la désinformation à leur sujet reste tenace. Et pour cause, il est plus simple de lire les quelques pages que Marco Polo leur a consacrées à la fin du XIIIe siècle dans Le Livre des merveilles à partir de légendes et de ragots recueillis auprès des Croisés ou de se passionner pour les jeux vidéo comme Assassin’s Creed qui ont inondé le marché à notre époque que d’aller directement aux sources médiévales et aux commentaires savants qu’elles ont générés. Il m’a donc paru utile de réouvrir une enquête en prenant en compte tous les documents disponibles, anciens ou très modernes, européens — particulièrement français, car trop souvent délaissés par les chercheurs — ou orientaux, savants ou de vulgarisation, pour comprendre pourquoi un véritable mythe autour des Assassins s’est construit et, vecteur de tant de fantasmes, a prospéré jusqu’à nos jours.
Sur quels plans s’est développé votre travail pour rendre à ces Assassins leur véritable histoire et leur identité ?
Je ne m’entendais pas, en engageant cette aventure, à devoir travailler sur des plans si divers. Il s’agissait en effet de comprendre la géopolitique d’un territoire allant de l’Iran actuel jusqu’aux rives de la Méditerranée, de restituer « simplement » la complexité d’un Moyen-Orient tiraillé entre les Turcs seldjoukides