<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Le Régent Philippe d’Orléans
Temps de lecture : 3 minutes
Photo :
Abonnement Conflits

Un moment suspendu entre Louis XIV et Louis XV

Article publié dans Histoire Magazine N°13

Faible et libertin, provocateur, mais aussi autoritaire et manipulateur, voire machiavélique, Philippe d’Orléans (1674- 1723) parut insaisissable et déroutant pour ses contemporains et le demeura pour l’historiographie. Appuyés sur les écrits du temps, deux travaux imporTants mènent l’enquête et font état des dernières avancées sur celui qui dirigea la France entre 1715 et 1723.

«M. le duc d’Orléans était de taille médiocre au plus, fort plein, sans être gros, l’air et le port aisé et fort noble, le visage large, agréable, fort haut en couleur, le poil noir et la perruque de même» (Saint-Simon), tel est le portrait de Philippe d’Orléans lorsqu’il devint Régent. Prince éclairé et grand collectionneur, neveu et gendre de Louis XIV, il reçut une sérieuse éducation de son précepteur l’abbé Dubois. Ce fut pourtant un piètre danseur et lorsqu’il joua dans les Précieuses ridicules de Molière, on écrivit qu’il était «chargé de rubans, avec une perruque monstrueuse dans laquelle il y avait quatre livres de poudre», faisant de lui la coqueluche de la Cour.

C’est donc cette figure énigmatique, «éminemment contradictoire et si parfaitement en tout» selon Saint-Simon, qui, à la suite d’une multitude de disparitions (parfois suspectes) et d’une véritable hécatombe royale, se retrouva régent du royaume.

Promis à rien en tant que petit-fils de France et assez loin dans l’ordre de succession, ces disparitions faisaient de Philippe d’Orléans le plus proche parent du jeune dauphin… La situation préoccupante amena Louis XIV à rédiger un testament où il donnait la régence à son neveu, mais en limitant considérablement ses pouvoirs. Pourtant, au moment d’ouvrir le testament, Philippe fut soutenu par l’avocat général Joly de Fleury et fut proclamé Régent par acclamation du Parlement de Paris, tout en obtenant le droit de composer le Conseil de régence.

Travailleur acharné, Philippe innova fondamentalement avec la polysynodie : création de six «conseils particuliers», savamment composés, préparant et étudiant les travaux pour le Conseil de régence. Parallèlement, le Conseil privé et les intendants dans les provinces étaient conservés dans une logique toute louisquatorzienne. Il s’imposa tout d’abord comme un moment en rupture avec le règne passé dès sa déclaration au Parlement: «Je n’aurai jamais d’autre dessein que de soulager les peuples, de rétablir le bon ordre dans les finances, de retrancher les dépenses superflues, d’entretenir la paix au-dedans et au dehors du royaume». À plus forte raison, il prit le contre-pied de la politique de son oncle sur le plan international et notamment envers la Grande-Bretagne.

Cependant, le Régent revint très vite vers un fonctionnement plus absolutiste. Dès 1718, il mit fin à une partie des conseils. Les décisions étaient prises dans son cabinet et le Conseil de régence les enregistrait, rappelant ainsi un système de gouvernement très proche de celui mis en place par Louis XIV. Pacificatrice et parfois parfumée de scandale, la régence du duc d’Orléans fut aussi réformatrice. L’essai du Système de Law avec la création d’une Banque générale, la mise en place d’un papier-monnaie et la création de la future Compagnie des Indes eut le mérite de marquer cette période d’expérimentation. Lorsqu’en 1723, Louis XV entra dans la majorité royale et convoqua un lit de justice, le Régent put présenter son bilan particulièrement positif. La Cour étant retournée à Versailles le 15 juin 1722, le Régent fut terrassé par une attaque d’apoplexie, le 2 décembre 1723. Comme l’a noté A. Dupilet «L’époque était considérée comme un simple passage de témoin, un interrègne amusant et frivole, une parenthèse foutraque». Pourtant, le Régent veilla jalousement sur un pouvoir qui n’était pas le sien. Sincère défenseur de l’autorité royale, réformateur qui laissa une sensation d’inachevé avec le Système, fidèle continuateur, Philippe fut finalement à l’exercice du pouvoir «l’héritier du RoiSoleil» et l’incarnation d’une «transition conservatrice» (E. Le Roy Ladurie).

Pour aller plus loin:

  • Alexandre DUPILET. Le Régent. Philippe d’Orléans, l’héritier du Roi-Soleil. Tallandier, 2020
  • Thierry SARMANT. Le Régent. Un prince pour les lumières. Perrin/BnF, 2023

Mots-clefs :

À propos de l’auteur
Maxime Blin

Maxime Blin

La Lettre Conflits

La newsletter d’Histoire Magazine

Voir aussi