<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Une statue pour Napoléon

Par Luc Corlouër.

Napoléon et  nos petits pays

Entre centralisation et petits pays

Apprécions cette carte de France, elle a été reconstituée à l’époque de la création des départements français en 1790. Le lecteur observateur aura constaté que les départements étaient numérotés de haut en bas et de gauche à droite. Sans doute les Marseillais ne purent souhaiter à l’époque d’avoir le numéro de département 75, pas plus que les Basques avec le numéro de département 78 !

Cependant, ne cherchez pas le département de Tarn-et-Garonne sur cette carte. Il n’existe pas à la création des départements. Montauban, chef-lieu de district puis sous-préfecture, la cité d’Ingres se trouvait alors dans le département du Lot, département 62. Depuis la bonne ville de Bourdelles se trouvait lésée et se plaignait amèrement de la situation auprès des autorités, Cahors la dominait, l’ombre du pont Valentré portait jusqu’au Pont-Vieux, on percevait le bourdon de la cathédrale Saint-André jusqu’à la Place nationale.
Et le Montalbanais même s’il aimait bien le Cadurcien souhaitait que Montauban retrouve une place qui avait toujours été la sienne : troisième place du Midi aquitain, ancien siège de généralité, lieu où siégeait la cour des aides et places de gouvernement militaire. Ce n’était pas la Révolution, la République ou la Convention qui prêtèrent l’oreille, ce fut l’Empire.
Le 28 juillet 1808, la foule se presse à l’entrée de Montauban, de la route de Toulouse au Pont-Vieux en passant par les bords du Tarn, la ville est en liesse ! Il jouit dans le sud-ouest d’une popularité délirante, ici, où l’on parle l’occitan, on sait que Napoléon était de langue maternelle corse et qu’il fit cesser tous les efforts de propagande en faveur du français. Il autorisa à nouveau l’emploi des « patois » interdit par la Révolution, ainsi le jour de marché sur la Place nationale on entendait à nouveau la belle langue chantée du Quercy.

le projet de la statue de Napoléon érigée au cœur de la ville de Montauban.

Quand l’Empereur décide …

Alain Fougeray dans son excellent ouvrage « Un Voyage de Napoléon » paru aux Éditions Les Acteurs du Savoir nous rappelle que le 2 avril 1808, Napoléon avait quitté Saint-Cloud. Il n’est donc pas présent pour la naissance de Charles Louis Napoléon, troisième fils de Louis Bonaparte, frère de l’Empereur et d’Hortense de Beauharnais, fille de son épouse, l’impératrice Joséphine. Le futur Napoléon III naît le 20 avril 1808 à Paris.
Napoléon 1er en ce printemps 1808 a pris la route pour effectuer en plusieurs étapes les 750 kilomètres menant jusqu’à Bayonne par la route impériale n° 10 où il doit rencontrer la famille royale d’Espagne et régler avec eux — au profit de l’Empire — les problèmes dynastiques de ce pays. Le voyage de Saint-Cloud à Bayonne s’effectue à un rythme effréné et Napoléon, après s’être arrêté quelques jours à Bordeaux, où il est rejoint par l’Impératrice Joséphine, arrive à Bayonne le 14 avril, il loge au château de Marracq jusqu’au 21 juillet suivant.
Dans la nuit du 21 au 22 juillet, il reprend la route direction Pau, passe successivement Tarbes et Auch avant de s’arrêter quelques jours à Toulouse. Quelles réjouissances populaires ! Quel enthousiasme des villes et des campagnes ! Tous sont au rendez-vous, les Français vénèrent Napoléon, les villes montent des gardes d’honneur, les maires déclament des discours et les préfets nouvellement en place assurent leurs missions.
Enfin, il est à Montauban le 28 juillet, le rythme est harassant, l’Empereur est heureux, mais pressé. Les décisions se prennent sur le champ, personne ne discute ses positions. Et Montauban espère la réparation d’une injustice, car depuis 1790, la ville qui compte 25 000 habitants possède de nombreux atouts industriels et commerciaux, mais elle a été la grande oubliée de la carte des départements. Montauban humiliée est en attente.
Et l’Empereur ne tarde pas, il interroge chacun, personne n’ignore qu’il faut des réponses brèves, elles le sont. Deux ans plus tôt, il a déjà reçu à Saint-Cloud une délégation montalbanaise. Leur proposition le séduit, le Lot vient trop au sud et la Haute-Garonne mord sur le nord. Déjà, quelques mois plus tôt en novembre 1807, Cambacérès était venu à Montauban dans un équipage à ravir indiquant qu’une impériale visite devrait suivre.

la berline de voyage de Napoléon

Et ce 29 juillet 1808 au matin, Napoléon parcourt longuement la ville et ses abords à cheval puis reçoit les autorités. À la mairie une carte de la région est fixée au mur, Napoléon a analysé la demande et la légende est belle : il pose sa main gauche sur la carte, et trace avec un crayon rouge de nouvelles limites, il mord sur des territoires amputés au Lot, à l’Aveyron, au Gers et à la Haute-Garonne. Personne ne renâcle, personne n’intervient, en quelques minutes, Montauban devient la préfecture du nouveau département de Tarn-et-Garonne ! Nom venant de deux cours d’eau, la Garonne et de son principal affluent qui traverse la ville, le Tarn.
Mais ce n’est sans doute pas Napoléon qui définit les contours du département, l’équilibre de population avec les départements voisins n’est pas dû à l’impériale senestre. Dans la cour les chevaux piaffent, la berline de l’Empereur est prête à remonter par la route impériale de 2e classe n° 23 qui mène à Paris via Limoges et Orléans. Napoléon confie aux officiels : « Je suis satisfait de l’amour que m’ont témoigné mes fidèles sujets de ma bonne ville de Montauban. J’ai vu avec peine les pertes qu’elle a éprouvées. Je la rétablirai dans ses droits. Vous pouvez la regarder comme chef-lieu de département et je la mettrai au rang des principales villes de mon royaume ».

les ruines du château de Marracq où il séjourna lors de son voyage.

Par ordre de l’Empereur, un sénatus-consulte officialisera le 4 novembre 1808 la création du Tarn-et-Garonne, chef-lieu Montauban. Le décret du 21 novembre organisera le nouveau département. Le nouveau préfet, Lepelletier d’Aunay arrivera dans sa préfecture le dernier jour de l’année. Revenons à Montauban le 29 juillet, claquements de bottes, cliquetis d’armes, soldats au garde-à-vous, sabres au clair, salut à l’Empereur, hourra de la ville, trop tard l’attelage fonce déjà vers Caussade !
Le 4 novembre 2021, la Société des Membres de la Légion d’Honneur inaugurera une statue de Napoléon sur l’Allée de l’Empereur au cœur de la ville, cette préfecture du département de Tarn-et-Garonne qu’il avait créé.

Luc Corlouër, un auteur et conférencier est commissaire du collège littérature-histoire de l’Académie des Arts & Sciences de la Mer.

NAPOLEON à MONTAUBAN
De Luc Corlouer et Philippe Bon
Le Cormoran éditions 2021

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Luc Corlouër, un auteur et conférencier est commissaire du collège littérature-histoire de l’Académie des Arts & Sciences de la Mer.
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