L’homme derrière la légende du Citizen Kane de l’automobile
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L’homme derrière la légende du Citizen Kane de l’automobile

par | Films et documentaires, N°13 Histoire Magazine

Article publié dans Histoire Magazine N°13

LAMBORGHINI film de Bobby MORESCO, Sortie DVD blu-ray mai 2023 

Un vignoble abandonné et, dans une splendide demeure, un homme mourant qui joue avec deux voitures: une rouge et une bleue. Un nuage passe et nous nous retrouvons sur une route alors que la nuit est tombée depuis longtemps. Une voiture rouge aux belles formes arrondies attend. Se glisse près d’elle une voiture bleue, lignes agressives et plus anguleuses. Deux voitures et deux hommes, qu’on devine âgés, se regardent. L’œil noir, le menton volontaire; les vitres remontent signifiant que tout dialogue est inutile. Soudain la rouge prend son envol, la bleue peine à suivre. La rouge l’empêche de doubler, la rouge s’accroche. Tête à queue, queue de poisson, brutales accélérations; tous les coups sont permis. La séquence revient comme un leitmotiv tout au long du film. Il s’achève par une splendide voiture jaune qui, au matin, roule seule, sur les routes en lacets près du lac de Garde. C’est le conducteur de la voiture bleue mais, désormais, il a vaincu; il occupe tout l’espace; il domine le paysage.

Cet homme c’est Ferruccio Lamborghini(1916-1993); la bleue et la jaune sont ses voitures; la rouge c’est une Ferrari. Ce film nous présente sa vie comme une rivalité et une volonté de s’imposer. Lors de sa première course automobile, Ferruccio fixe celui qui va devenir son rival: «Ferrari c’est comme si le monde lui appartenait». Le vieil industriel lui lance un coup d’œil narquois. Quelques années plus tard, Ferruccio lui propose une association: il sait comment améliorer l’embrayage de ses voitures. Nous sommes à l’exacte moitié du film: «Je viens en tant qu’ami» assure Lamborghini qui est renvoyé avec un «Retournez à vos tracteurs» plein de morgue. Ferruccio grogne: «Vous volez vos clients». Il se lance alors dans la réalisation de sa propre voiture. À ses ingénieurs médusés, il assène: «Dans six mois les gens chercheront la nouvelle Ferrari; ils trouveront la première Lamborghini. Pourquoi on est là? […] Pour faire la meilleure voiture.» Et il atteint son objectif. Encore quelques mois et, au Salon de l’Automobile de Genève, Lamborghini présente sa première voiture. Son stand, entouré de journalistes, est face à celui de son rival, seul près de sa voiture devenue classique. Un clin d’œil de Ferruccio vers son ennemi. Il a gagné!

Cette lutte est la trame de ce biopic. Faisant l’économie du début de sa vie, sa jeunesse dans une famille de paysans aisés, ses années de formation en mécanique, la guerre et sa captivité dans les camps anglais de l’île de Rhodes, l’histoire commence quand Ferruccio revient en Italie. À son père, Il explique: «Le monde a changé […] Tu sais j’ai eu une idée.» Ferruccio Lamborghini veut construire des voitures de course. Il ouvrira d’abord une usine de tracteurs…Il est prêt à travailler comme une brute, à s’arranger avec le réel, quitte à forcer la main de son père pour avoir l’argent nécessaire à sa première mise de fonds. Après avoir fait fortune dans les tracteurs, en 1963, il fonde l’Automobili Ferruccio Lamborghini. Même devenu célèbre, il continue à bricoler, à réfléchir en mécanicien, il propose de mettre du bronze dans le moteur d’un tracteur, de l’aluminium dans celui d’une voiture…Des extraits de rock’n’roll accompagnent le feu des arcs à soudure et le découpage des tôles. Il ne cesse d’avoir des visions. Il sait aussi s’entourer: des amis d’enfance, puis les ingénieurs qu’il débauche chez Ferrari, Alfa Roméo et Maserati. En quête perpétuelle de perfection, Ferruccio Lamborghini exige toujours plus de ses mécaniciens, de ses équipes. À sa femme qui s’étonne de ce désir de toujours relever de nouveaux défis, il crie: «Tu veux que je sois normal?» Il est animé d’une volonté: «Je veux que le monde n’oublie jamais mon nom.».

Le film retrace le parcours de cet homme, mû par une inébranlable volonté de se dépasser pour qui «Rien n’est impossible tant qu’on a pas échoué. Quand on échoue, c’est pour essayer d’atteindre la grandeur.»

À propos de l’auteur
Philippe Martin

Philippe Martin

Philippe Martin est professeur d'histoire à l'université Lyon 2 Lumière. Il dirige l'ISERL (Institut Supérieur d'Etudes des Religions et de la Laïcité) et le GIS-Religions du CNRS. En 2007, avec Jean Lanher, il a étudié et publié le récit écrit par dom Loupvent. Il a notamment publié Le théâtre divin. Histoire de la Messe, xvie-xixe siècle. et récemment Les religions face aux épidémies de la peste à la covid-19 aux éditions du Cerf en 2020.
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