<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Le cas Francis André : criminel collaborateur
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Photo : Francis André (1909-1945)
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Le cas Francis André : criminel collaborateur

par | La pègre : de l'Antiquité à nos jours, N°13 Histoire Magazine, XXème siècle

Durant la Seconde Guerre mondiale, la collaboration, dramatiquement efficace et meurtrière, est le fait d’acteurs variés et multiformes. Stricto sensu, la Milice et la Gestapo sont systématiquement accusées. Mais les témoignages montrent la confusion langagière entre la collaboration officielle d’État et le collabo-banditisme.

Article publié dans Histoire Magazine N°13

À Lyon, les groupes d’action de Krekler, la Ligue antibolchevique d’Henri Couchoud, la bande à Dreux-Sapé, le couple Goetzmann-Benamara etc. sont les extras c’est-à-dire les auxiliaires de l’appareil de répression franco-allemand. Cependant, c’est la « gestapo française », constituée de personnes pour la plupart issues du Parti Populaire Français (PPF) de Jacques Doriot, qui occupe la première place. Au-delà de son appartenance à une formation politique fascisante, ce groupe est composé de figures du petit banditisme qui ont choisi le camp de l’occupant nazi avec lequel les affaires sont juteuses. L’Occupation est une période sans équivalent pour la « voyoucratie » parce que les circonstances d’une société en délitement ont balayé l’État de droit. Fonctionnant comme une « bande », avec ses codes, sa culture, ses valeurs et son chef, Francis André, « l’Équipe » comme on la qualifie alors, marque profondément la cité des Gaules dans une parfaite alchimie entre idéologie dévoyée et cupidité que la loi du plus fort rend possible.

Combien sont-elles les victimes de Gueule tordue et sa bande ? Au moins 120 reconnues officiellement lors du procès de Francis André à la Libération ? Probablement plus de 400. Assassinats, enlèvements, recours à la torture, au chantage, à l’extorsion de fonds, au marché noir et au racket, Francis André et ses complices opèrent à Lyon et dans sa région entre 1943 et 1944. Il amasse un butin considérable, il ruine des familles et tue sans remords.

Francis André

« Francis : j’ignore sa véritable identité — Figure déformée, bouche déplacée sur le côté, taille moyenne, corpulent, brun — Chef des équipes spéciales du PPF mises à la disposition de la Gestapo. Extrêmement dangereux. A amassé une grosse fortune dans des opérations de racket — 40 environ », déclare un inspecteur de police devant la commission d’épuration en septembre 1944.

Charles-Francis André est né le 25 février 1909 à Lyon 6e. Il suit un parcours ordinaire, jusqu’au lycée Lamartine à Mâcon où ses parents ont déménagé. D’une constitution physique robuste, c’est un caractère bien trempé, plutôt orgueilleux. Chef dans l’âme, il aime la bagarre. Un de ses camarades d’enfance dira après la guerre : « C’était toujours André qui s’octroyait le grand rôle, et son esprit imaginatif excellait en la matière. C’était le chef, “le maître de tous”, il aimait dominer et organiser ».

Défiguré à l’adolescence lors d’un accident de voiture, tout le monde le nomme « Gueule tordue ». Son ami d’enfance dit à ce propos : « la face complètement défigurée, l’œil de travers, la bouche tordue en une espèce de rictus, il était horrible à voir. […]. Blessé à jamais dans sa chair, au plus visible de sa personne, lui si fier de sa personnalité, s’en était fini de sa superbe ». Désormais, l’enfant grandit avec ce traumatisme qui fait partie intégrante de l’homme blessé narcissiquement par cet accident.

En 1927, il revient à Lyon avec sa famille. Il enchaîne les petits boulots et vit de rapine et d’escroquerie. Cette instabilité l’amène devant la justice, son casier judiciaire s’alourdit. À la majorité, il est exempté du service militaire pour « surdité et paralysie faciale gauche » et en 1930 il entre en politique. D’abord communiste, il opte pour le PPF en 1937. Il adhère alors sans réserve à l’idéologie doriotiste qu’il concrétise sur le front russe par son engagement dans la Légion des volontaires français (LVF), puis à son retour en 1943 à Lyon en devenant chef de la « Gestapo française ».

Agissant autant par conviction politique que par gout du pouvoir et par avidité, il sous-traite les exactions nazies. Pour cela il dirige d’une main de fer ses hommes et orchestre les persécutions et la répression entre 1943 et 1944.

Il a ses délateurs, ses rabatteurs, il dispose de groupes d’arrestations et de tueurs, d’un collecteur, Tony Saunier, et de receleurs.
Alors que les « besognes » accroissent avec la défaite qui se profile, Francis André et ses hommes pallient le sous-effectif de la police allemande. Pour les Lyonnais, Gueule tordue et sa bande sont « les tueurs du PPF » au service de la gestapo.

Qualifiés par les historiens d’« agents auxiliaires », d’« ultras du pouvoir » ou d’« ultras de la collaboration », ils entretiennent également des rapports de collusion et de complicité avec différentes sphères politiques, policières et militaires, françaises et allemandes.
La force de frappe de cette Équipe relève de son degré d’autonomie et de son fonctionnement à la fois hiérarchisé et grégaire. Le caractère massif et rapide de la terreur qu’elle impose porte avant tout l’empreinte de son chef déterminé, raisonné, qui se met à disposition des nazis dans ce qu’il pense être l’intérêt de la France et le sien.
Ce monde à part rend alors possible la transgression des interdits et des tabous du monde ordinaire. La plongée dans la vie de Francis André et de ses sbires illustre et analyse comment se fabrique une « bande de salauds ».

Bulletin de la Propagande. Journal réservé aux cadres du parti P.P.F (Parti Populaire Français) Septembre 1943

Les ennemis et le respect des lois dans un système hors-la-loi

En juin 1943, Francis André est pressenti par Doriot et Oberg, chef supérieur des SS et de la police pour la France, pour diriger un mouvement de répression dans la région lyonnaise. Ce service est créé en octobre-novembre 1943, sous le nom de Mouvement national antiterroriste (MNAT).
Francis André s’installe d’abord avec ses hommes dans les locaux de la section VI du RSHA dirigé par Moritz[1]. Le 20 novembre 1943, Louis Chazal, chef du service de renseignement pour le PPF, mais également administrateur provisoire de biens juifs, met à sa disposition l’appartement d’Élie Boccara qui est arrêté avec son beau-frère Armand Cohen[2]. L’appartement, 19, place Tolozan, appelé « la caserne» est alors le QG de l’Équipe.
Gueule tordue possède une certaine éthique du travail bien fait, il calque même son activité sur le respect des lois en vigueur, fussent-elles hors-la-loi. Ce qui n’est pas toujours le cas de ses collaborateurs, dont la plupart, sont des criminels de droit commun et trouvent surtout dans la guerre, un lieu de jouissance : jouissance dans le sens de plaisir, et aussi jouissance sur autrui et sur les biens d’autrui. Ces bandits et ces assassins, souvent peu scrupuleux sur les motivations idéologiques, ont offert leurs services au plus offrant en échange d’une immunité ou d’un profit personnel.
Les cibles visées sont ce que Vichy nomme l’« Anti-France », mis depuis longtemps à l’index par les nazis. Cette expression utilisée par la droite et l’extrême droite depuis l’affaire Dreyfus (1894-1906) désigne tous les groupes politiques, sociaux et religieux accusés de trahir la France. Le maréchal Pétain reprend à son compte cette expression pour qualifier tous ceux à qui il attribue la défaite, les Juifs, les francs-maçons, les communistes et les gaullistes terme qui englobe tous les Résistants.

Moritz

Gallioud

Un commando de tueurs : Le MNAT

Le 13 novembre 1943, un tract ronéotypé intitulé « Terreur contre Terreur » est largement diffusé à Lyon. Il annonce la création du MNAT.Ce groupuscule qui agit dans un triple but d’intimidation, de représailles et d’enrichissement cible ses victimes parmi des personnalités influentes et notoirement connues à Lyon ou dans la région, considérées par le mouvement responsable des attentats commis contre le PPF.
Les renseignements sont transmis par l’équipe de mouchards de Chazal, composée d’une douzaine d’individus sur l’ensemble de la région et le fonctionnement est assuré par Moritz. Il fournit des permis de port d’arme, des autorisations de circuler, des cartes de police allemande et toutes autres facilités à Francis André qui dirige quatre hommes parmi ses fidèles et amis de la LVF :
– Sambet René, né le 5 février 1920 à Lyon, membre du PPF depuis 1936, responsable de la propagande pour la section de Romans.
– Gargaro Jean-François, alias « Truchet », né le 4 novembre 1913 à Lyon, membre du PPF depuis 1936 dans une section de Lyon.
– Durand Jean avait été moniteur de natation à Romans et avait adhéré au PPF pendant l’Occupation.
– Athenosi Guy, Georges, Claude dit Dupré Guy né le 24 avril 1924 à Nassicault (Tunisie). Il a adhéré au PPF en Tunisie et vivait à Romans au début de la guerre.

Louis Chazal chef du service de renseignements pour le PPF. Archives départementales du Rhône et métropolitaines de Lyon

Francis André et ses sbires sont alors impliqués dans l’assassinats d’au moins vingt victimes dont le docteur Long, Antonin Jutard et Ambroise Courtois etc., avec l’assentiment et l’aide de l’Allemand Moritz, qui lorsque ce dernier n’est pas présent pour assister à une exécution se fait représenter. Toutes les personnes assassinées, laissées sur le lieu de leur exécution, portent épinglé sur leur cadavre une carte sur laquelle figure la mention : « Terreur contre Terreur — cet homme paye de sa vie le meurtre d’un national, signé MNAT ».
Les assassinats du MNAT sont justifiées par la loi du talion : « répondre par des meurtres aux meurtres commis par les résistants ».

D’après le rapport de police les assassinats-exécutions sommaires sont l’activité dominante du MNAT, auxquels s’ajoutent les « perquisitions » et saisies de biens suivies d’arrestations.

L’argument antisémite selon lequel tous les Juifs sont riches est le prétexte pour opérer ces vols. De plus, ils sont nombreux à s’être réfugiés à Lyon avec leurs « biens transportables » tels que bijoux, argent liquide et or etc.

L’activité de Gueule tordue s’est exercée au profit du MNAT de novembre 1943 à février 1944. Il participe personnellement à ces exactions franchissant chaque jour, un peu plus, un degré supplémentaire de violence.

Mais à cette date, il modifie son activité non dans ses buts, mais dans ses moyens d’action.

Du groupuscule à la gestapo française

Après-guerre, le commissaire de police, Jean Galmard, conclut un rapport en expliquant comment Francis André bascule du MNAT au SD (Sicherheitsdienst, service de sécurité), créant ce que les Lyonnais ont appelé la « Gestapo française » : « En effet, il cessa cette activité pour rassembler un grand nombre de militants du PPF pour former son équipe. Dès lors il prit avec les agents du MNAT le titre d’agents français du SD. Dotés de moyens plus importants, utilisant des méthodes qui sans être moins brutales et cruelles faisaient appel à plus de psychologie et de techniques policières. Ils arrivèrent ainsi à obtenir dans le domaine de la répression et de la persécution des résultats chaque jour plus probants. »
Une entente avait eu lieu en amont entre Jacques Doriot et les services allemands de la police de sûreté. Il avait été convenu qu’une « section » reconnue officiellement des autorités occupantes collaborerait avec la police de sûreté allemande pour toute opération concernant des sujets français ou établis en France. Dès lors, lorsque cette section traite une affaire, elle reçoit des Allemands, la moitié des sommes ou valeurs saisies, quant aux indicateurs, ils perçoivent des rémunérations pouvant atteindre 20 %.
Ainsi, ce groupe de choc fonctionne-t-il sur un mode de toute-puissance, mettant à disposition de l’occupant son savoir-faire : Voler et tuer ; la violence est banalisée. Il s’installe dans les bâtiments de l’École de santé militaire, siège du Sipo-SD au 14, avenue Berthelot à Lyon, spécialisé dans la répression et les « affaires juives».

La différence entre l’équipe française et celle des Allemands est ténue et Gueule tordue travaille en étroite collaboration avec Klaus Barbie. Ce dernier au cours de l’instruction de son procès en 1987 déclara ne se souvenir que d’un seul Français au sein de la Gestapo, c’était Francis André.

Tract ronétypé “Terreur contre terreur” Archives départementale du Rhône et métropolitaines de Lyon

Après plusieurs remaniements, l’“équipe Francis” qui porte désormais le nom de leur chef, est composée en juin 1944 d’un adjoint, Jean Reynaud, de quatre hommes de confiance issus du MNAT, d’une bande de quinze hommes, d’un secrétaire, d’un chauffeur personnel pour le chef Francis André, et de six miliciens du deuxième service de renseignement. Après-guerre on estime que l’équipe française comptait 25 agents, mais nos recherches montrent que 94 individus ont travaillé pour Gueule tordue se spécialisant dans le crime crapuleux et antisémite, pourchassant les réfugiés dans la ville et ses marges. Les familles sont arrêtées, rackettées, violentées, torturées, déportées ou assassinées comme ce 15 juillet 1944. Au petit matin, cinq automobiles noires s’arrêtent devant le 59, rue Hugues Guérin à Lyon, dans le quartier de Monplaisir. Bien renseigné, Francis André, accompagné de dix-sept hommes, se présentent au couple Rossner comme appartenant à la police allemande pour lui extorquer les fourrures et autres vêtements en peaux voire pour s’habiller à moindres frais, car certains membres de l’équipe porteront par la suite des manteaux de fourrure provenant de ce pillage. Madame Rossner est incarcérée à la prison Montluc jusqu’au 11 août 1944, date à laquelle elle est déportée par le dernier convoi parti de Lyon. Son mari est retrouvé en périphérie de la ville trois balles de revolver dans la tête. Après avoir pillé l’appartement, il est occupé par un couple proche de Francis André qui n’hésitera pas à déménager tous les meubles peu avant la Libération.

Le recrutement au sein de l’Équipe se fait le plus souvent par cooptation d’idéologues antisémites, germanophiles dont d’ex-miliciens auxquels s’ajoutaient : “Des gens sans conscience, sans scrupule, sans estime ni considération et même sans opinion politique réelle, attirés par esprit du lucre, entreprise de brigandage couverte par la loi de la guerre”.

Une sociologie de la bande

L’itinéraire criminel et meurtrier du chef est indissociable des agents qu’il a recrutés, récupérés, formés, dirigés, réprimés parfois. Cette brève approche des criminels permet de dresser de grandes lignes sociologiques qui dessinent une sorte de portrait-robot des membres de cette meute.
Deux catégories bien distinctes ressortent, avec bien sûr des points de concordance, mais aussi quelques différences essentielles :
La première catégorie, minoritaire, est celle des meneurs tels Francis André et ses proches, ami d’enfance ou membre de sa famille qui sont clairement dans l’idéologie. Elle l’emporte sur l’appât du gain même si bien sûr, celui-ci reste prépondérant.
La seconde catégorie qui constitue la majorité est composée de suiveurs. Ce sont des jeunes dont la première ambition est l’argent et les biens matériels. L’appartenance au PPF est secon-daire. Malgré tout, la plupart ont été “encartés” politiquement avant-guerre.
L’étendue de la toile d’araignée que Gueule tordue a tissée, s’est constituée sur le modèle des sections d’assaut (SA). Le fonctionnement grégaire, paramilitaire est fortement hiérarchisé autour du chef qui tient ses hommes par la peur. Il joue de son charisme naturel de meneur et il provoque voire entretient auprès de ses nervis un sentiment de toute-puissance qu’il transforme en besoin.
Ce collectif qui terrorise la rue obéit au chef, et son activisme collaborateur ne doit pas cacher les intérêts personnels des mouchards et des hommes de main grassement appointés.
Cette organisation, officiellement appelée “SD-Lyon équipe Francis André”, qui prêche la religion de la force, le goût de la violence et la cruauté sont l’apanage d’hommes au profil souvent inattendu que révèlent les dossiers de la cour de justice de Lyon.
Ce milieu est avant tout majoritairement masculin et jeune. Plus de 31 % des compagnons de Gueule tordue ont entre 20 et 25 ans. Le plus jeune n’est pas majeur, il n’a que 18 ans. Cinq ont tout juste 21 ans. Peu d’équipiers sont mariés avec des enfants.
Toutefois, ce n’est pas l’âge qui détermine le degré de “responsabilité” au sein de l’équipe, mais davantage le caractère souvent violent de ses membres. Ces hommes ont pour la plupart été condamnés à des peines de droit commun avant la guerre, faisant pour certains de la prison. Jugés pour vols, viols, meurtres, racket, trafics en tout genre, dix-sept d’entre eux ont purgé, malgré leur jeune âge, des peines de prison avec ou sans sursis et ont payé parfois de lourdes amendes. À la justice républicaine, ils préfèrent la justice expéditive de la loi du plus fort que la guerre favorise et qui leur donne un statut, une reconnaissance sociale. Leur marque de fabrique de la violence systématique rejette l’État de droit. Gallioud et Nicolaï, deux proches de Gueule tordue ont des accointances avec la pègre. Et ils retrouvent, dans ce milieu, une sorte de mafia qui leur est familière.
Enfin, cette équipe ne propose pas un profil socioprofessionnel homogène de ses membres qui exercent des professions très différentes ou qui n’ont pas d’emploi stable. De l’inspecteur de police en passant par l’agent de change, le restaurateur, le boucher ou le mécanicien et bien d’autres emplois, voire ceux qui n’ont pas d’emploi. La plupart ont suivi une éducation primaire basique, cinq possèdent le Certificat d’études, un a suivi un parcours en classe supérieure. La plupart sont natifs de la région et 48, 9 % sont lyonnais, ce qui leur permet de débusquer plus facilement les “opposants”.
Et les femmes ? Elles sont peu nombreuses, mais elles sont actives. Pour la plupart assez jeunes, elles agissent de leur propre initiative, soit qu’elles se conforment à une nature jugée insouciante, irresponsable, cupide ou immorale, soit qu’elles suivent l’homme avec lequel elle partage leur vie, soit les deux. Estelle Cochet a 22 ans quand elle devient la maîtresse de Francis André en février 1944. Détentrice d’une carte de “police allemande” et d’une arme à feu, elle épaule son amant. En retour, elle reçoit 20 000 à 30 000 francs par mois, sans compter les cadeaux de bijoux, de fourrures volés lors des arrestations. Elle occupe l’appartement pris à une famille juive, boulevard des Belges, dans lequel elle entasse une partie du butin de guerre de Francis André estimé à plus de 500 000 francs.

Le devenir de la bande à la libération

Le 3 septembre 1944, la région de Lyon est placée sous l’autorité d’Yves Farge, commissaire de la République chargé de restaurer l’autorité de l’État et lutter contre l’épuration sauvage. Il instaure immédiatement un cadre juridique répressif contre les faits de collaboration et les activités antinationales. Seize membres de la bande de Francis André sont en fuite dont deux sont morts. Les six qui n’ont jamais été retrouvés, ont été jugés par contumace dont trois condamnés à la peine capitale. En revanche trente-deux ont été condamnés à mort dans les mois qui suivent la Libération, dont cinq ont vu leur peine commuée en travaux forcés, voire même amnistiée. Enfin douze autres ont été condamnés aux travaux forcés avec des périodes plus ou moins longues ainsi qu’à la dégradation nationale et l’interdiction de séjour à Lyon.
L’activité criminelle collective de cette bande n’enlève en rien la culpabilité individuelle de chaque membre de cette équipe.
Francis André est arrêté le 15 mai 1945, en Italie après une fuite qui dura huit mois. Rapatrié en France, il est condamné à mort et fusillé avec quatre de ses complices le 9 mars 1946 au Fort de la Duchère. Ainsi finit Francis André, exemple parmi d’autres de ce dont est capable l’être humain quand il n’échappe pas à la tentation de la violence qui bafoue les principes de dignité, d’égalité et foule aux pieds les droits élémentaires humains. •

[1]Le Reichssicherheitshauptamt est l’Office central de sécurité du Reich.
[2]Élie Boccara est déporté par le convoi n° 63 du 17 décembre 1943, il décède dans un état d’épuisement total le 3 avril 1945 à l’hôpital d’Opole. Amand est torturé à l’École de santé militaire, siège de la Gestapo, où il est fusillé dans cette enceinte le 24 novembre 1943 avec sept autres détenus sortis de Montluc.

Sylvie ALTAR et Régis LE MER

Le spectre de la terreur : ces Français auxiliaires de la gestapo  écrit par Sylvie Altar et Régis Le Mer (2020)

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À propos de l’auteur
Sylvie ALTAR

Sylvie ALTAR

Sylvie Altar historienne spécialiste de la vie des Juifs en France avant, pendant et après la Seconde Guerre mondiale. Enseignante, chercheuse et docteure en histoire contemporaine elle est membre associée du LARHRA-UMR 5190, Université Lyon 2 et 3. Elle a publié une trilogie aux éditions Tirésias-Michel Reynaud : Être juif à Lyon et alentours 1940-1944 (2019), Le spectre de la terreur : ces Français auxiliaires de la gestapo co écrit avec Régis Le Mer (2020) et La résistance oubliée des Juifs en France (2021) et plus récemment Edmond Fleg en héritage - Être juif avant Dreyfus et après la Shoah ( mai 2023)
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