Robert Surcouf naît le 10 décembre 1773 à Saint-Malo, cinq mois pile avant la mort de Louis XV. Il grandit sur un petit domaine familial, du côté deCancale. À l’instar de certains de ses ancêtres, tel Etienne Richomme, compagnon de Jacques Cartier, ou René Duguay-Trouin, célèbre corsaire qui finira amiral, Surcouf répond très tôt à l’appel de l’océan. À treize ans, il embarque sur leHéron, navire armé par un de ses oncles, en partance pour lesIndes. Deux ans plus tard, il récidive, en route pour l’océan indien sur le bateau d’un autre oncle. L’auteur de sa magistrale biographie, Michel Vergé-France-schi, passe au crible son arbre généalogique, mettant bien en évidence les liens familiaux et le business qui en dé-coule. “Les Surcouf, écrit-il, incarnent la montée en puissance de l’argent, finXVIIIe, début XIXe siècle, au détriment de la naissance, jusqu’alors facteur premier de recrutement et de promotion sous l’Ancien Régime”. Il n’en demeure pas moins que, dans la famille Surcouf, si quelques-uns s’en sortent bien, d’autres connaissent de réels déboires financiers. Le grand-père paternel deRobert, prénommé lui aussi Robert, un armateur doté d’un sens aigu des affaires, avait laissé un héritage de550000 francs, à partager entre ses dix-sept enfants. Le père de notre futur corsaire, Monsieur de Boigris, du nom de la terre où il s’est installé, vit de ses modestes rentes, auxquelles vont s’ajouter ses appointements de receveur de l’Amirauté, puis de percepteur des contributions. Mais son train de vie de petit bourgeois ne saurait convenir à son fils, qui rêve de fortune et de gloire. On ignore tout de sa première campagne en 1787, à bord duHéron. En revanche, en 1789, il fait ses débuts officiels en tant que corsaire à bord de laBienvenue.Deux ans et demi plus tard,…
…il embarquera avec un salaire mensuel de 30 livres sur un navire marchand, l’Aurore, à bord duquel il réalisera sa première campagne de traite négrière (1789-1792).
Triste expédition. Une grande partie des 600 noirs parqués dans la cale finiront noyés lors d’un naufrage dans le canal du Mozambique.
Lieutenant, puis aide-pilote, Robert Surcouf passe alors de la traite négrière à la guerre de course et réciproquement, sans le moindre état d’âme. Le 27 août 1792, il quitte Saint-Malo à bord du Navigateur et ne reviendra dans son port d’attache breton que quatre ans et quatre mois plus tard. Cet exil en mer le tiendra à distance des temps forts de la Révolution, proclamation de la République, exécutions du roi et de la reine, déclaration de guerre, Terreur, naissance du Directoire et avènement de Bonaparte.
Quant à la nouvelle monnaie républicaine, l’assignat, elle ne doit guère lui inspirer confiance. Comme le rappelle Michel Vergé-Franceschi, “Chez les Surcouf, le papier ne sert qu’à envelopper les louis d’or…”.
Dès le début de la Révolution, les adversaires de la course, dont Talleyrand, ont fait valoir leurs arguments relevant du droit, de l’éthique et de la morale.Mais en 1793, la guerre balaie tous ces beaux principes et la course reprend du service.
Surcouf fera l’objet d’innombrables récits apocryphes, délirants pour la plupart, lui conférant tous les traits d’un héros parfait, exceptionnel, sans le zeste d’un quelconque défaut.
Avant que l’esclavage soit aboli par laConvention le 4 février 1794, deux voyages de traite négrière au Mozambique sont à mettre à son actif, soit un total de 672 noirs embarqués les fers aux pieds. Enseigne de vaisseau, puis capitaine en 1796, Surcouf enchaîne les abordages et les prises de guerre, cargaisons de riz, bois précieux, gomme-laque, etc.Cette année-là, il devient franc-maçon, adhérant à la loge de la Triple Alliance, peuplée de négociants, d’armateurs et de marins malouins. Peu après, il monte à Paris pour se défendre, accusé d’avoir capturé quatre navires de façon illégale, sans être muni d’une lettre de marque nécessaire pour se livrer à la course. Le Conseil des Cinq-Cents est saisi afin de juger l’affaire et conclut à la validité des prises, insistant sur la bravoure du jeune corsaire. Puis c’est autour du Conseil des Anciens de se prononcer. Le 3 septembre 1797, il rend son verdict, approuvant sans réserve la résolution du Conseil des Cinq-Cents.Du jour au lendemain, Surcouf est un héros. Fin août 1798, il repart en mer, capitaine de la Clarisse, à la tête d’un équipage de 105 hommes avec lesquels il va totaliser quinze prises en seize mois. Le 10 mai 1800, changement de navire. Surcouf commande à présent aux 250 hommes de laConfiance, multipliant les prises, engrangeant dans ses cales rhum, blé, sucre, riz, vaisselle, quincaillerie, armes, etc. Il retourne ensuite en France avec une cargaison de denrées coloniales estimée à deux millions de francs. Peu après, lors de ses noces, son patrimoine est évalué à 466800 francs. Il s’installe alors avec sa femme à Paris où il plaide auprès du ministère de la Marine et des Colonies pour que son frère Nicolas, capturé parles Anglais sur les côtes du Bengale, fasse l’objet d’un échange de prisonniers. Ce dernier sera libéré en octobre 1801.
De retour à Saint-Malo, Robert Surcouf achète un bel hôtel particulier où il emménagera avec sa progéniture.À 29 ans, il devient selon notre historien “un véritable bourgeois balzacien”.

Robert Surcouf (1773-1827)Musée d’histoire deSaint-Malo.
Avec la reprise de la guerre entre la France et l’Angleterre, le 16 mai 1803, Surcouf se voit aussitôt remettre une lettre de marque pour repartir à la chasse aux navires battant pavillon britannique. Auparavant, il a rencontré Bonaparte auquel il voue une administration sans borne. Peu après le sacre, il est décoré de la légion d’honneur par l’empereur en personne. Désormais, le corsaire souhaite devenir armateur et fait construire son premier navire, la Caroline, dont il confie le commandement à son frère Nicolas qui du 27 juillet 1804 au 21 janvier 1806 s’empare de plusieurs cargaisons de riz et de sucre.