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24 mai 2023 | N°12 Histoire Magazine

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Article publié dans Histoire Magazine N°12

Il fut un temps où, en cas d’impuissance avérée de son mari, toute épouse pouvait obtenir l’annulation de son mariage. Le conjoint incriminé était alors mis dans l’obligation de faire la démonstration publique de sa capacité à «posséder» sa femme. Qualifiée de “Congrès”, cette épreuve a existé en Espagne et en Italie, mais c’est en France, entre 1550 et 1677,qu’elle a connu son heure de gloire. Comment se déroule cette épreuve? Devant une assistance nombreuse, les époux sont interrogés séparément. On leur pose des questions très intimes. Après quoi, chacun d’eux est examiné par douze experts (médecins, chirurgiens et matrones).L’organe viril, en particulier, doit être «vérifié, tâté, trituré, mesuré quant à la longueur et élasticité avec mouvement naturel d’érection». Vient ensuite la démonstration devant témoins, c’est-à-dire le Congrès proprement dit; une épreuve où le mari mis en cause fait rarement des étincelles, sa gêne provoquant bien souvent le même résultat que l’impuissance naturelle.

Avec l’histoire de ce conseiller du roi qui dut subir trois fois l’épreuve du Congrès pour cause de «résultats ambigus», l’affaire qui connut le plus grand retentissement est celle du Marquis de Langey. À vingt-cinq ans, il a épousé une jeune fille de quatorze. Après trois ans de mariage, celle-ci réclame le divorce pour impuissance, évoquant l’«amour stérile et furieux» de son mari. L’affaire est grave, car un époux déclaré impuissant n’a pas le droit de se remarier. Contre toute attente, c’est le marquis, très sûr de lui qui, en septembre 1658, demande lui-même à subir le Congrès. Il crie déjà victoire, fanfaronne! On procède donc. Hélas, ce jour-là, la matrone chargée de superviser les opérations et d’indiquer minute par minute aux spectateurs comment les choses se présentent, déclare bientôt sur un ton solennel et navré : «C’est Grand pitié, il ne mature pas!»

Faute d’avoir pu «maturer», le Marquis de Lange y est condamné à libérer sa femme. Tout Paris le raille et il devient par excellence «LE» symbole du mari impuissant! En janvier1659, il présente la requête d’un second congrès, attribuant son échec «à la corruption des experts, à l’hostilité de sa femme, à la manière dont on l’a baigné et à des maléfices». Refus ferme et poli de la juridiction qualifiée! Le Marquis est prié de restituer la dot avec des intérêts. Mais l’affaire ne s’arrête pas là, et c’est son rebondissement qui va finalement inciter le Parlement de Paris à supprimer la pratique du Congrès par une loi du 18 février 1677. En effet, furieux d’avoir été à ses yeux aussi injustement condamné, le marquis de Langey contourne l’interdiction qui lui a été faite de se remarier en épousant quelques mois après l’épreuve, une protestante.. à laquelle il va faire allégrement…7 enfants!

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À propos de l’auteur
Clémentine Portier Kaltenbach

Clémentine Portier Kaltenbach

Journaliste et historienne, Clémentine PORTIER-KALTENBACH collabore à de nombreux journaux et émissions de radio et télévision. Elle est l’auteur d’ouvrages à succès : Grands Z’héros de l’Histoire de France (2010), Les Secrets de Paris (2014), Embrouilles familiales de l’Histoire de France (2016)
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