<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Mégalithes (suite)
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À lire en famille est une rubrique destinée aux plus jeunes. Les sujets abordés sont en rapport avec les programmes officiels de l’Éducation nationale. Les textes sont écrits sous forme de feuilleton. Ils peuvent être lus par les enfants, en autonomie, ou bien, c’est encore mieux, être partagés en famille, de 7 à 110 ans! Le sujet du jour, les mégalithes, est abordé en CE2, avec l’étude du paléolithique et du néolithique.

Article publié dans Histoire Magazine N°12

Parmi les premiers monuments de pierre de l’histoire de l’humanité.

Comment transporter des blocs si lourds ?

L’historien— Bonjour Apolline! Te rappelles- tu ce que nous avons découvert la dernière fois?

Apolline— Nous avons vu que les mégalithes d’Europe sont des monuments de pierre, parmi les plus vieux de toute l’histoire de l’humanité, qu’ils datent du néolithique et sont longtemps restés mystérieux. Aujourd’hui, on essaie de les protéger, et même de les restaurer, avec l’archéologie expérimentale. Mais comment les hommes ont-ils pu construire ces monuments?

Diaclases: granite naturellement fissuré

— Bonne question, car ils n’avaient ni potion magique ni machines! Et leurs outils étaient de pierre. Mais ils n’en manquaient pas, de pierres. À Carnac, dans les alignements, on voit le granite qui affleure à la surface du sol. Il y a aussi des pierres naturellement fendues, par le lent travail de l’eau et des variations de température. On peut alors mieux faire éclater la roche. Et dégager des blocs que l’on pourra ensuite utiliser. On appelle carrière le lieu où sont extraits des matériaux naturels. À Stonehenge, en Angleterre, on a utilisé des pierres bleues d’environ2tonnes extraites à près de 250kilomètres de distance. Il a fallu les faire voyager par voie maritime, terrestre et fluviale.

— Mais comment transporter des blocs si lourds? Les hommes de cette époque avaient- ils des animaux pour les tirer?

— Non, pas forcément. Au néolithique les hommes commencent seulement à pratiquer l’élevage, surtout pour leur alimentation. Ils recherchent moins des animaux de trait, pour tirer ou transporter des choses. Et il est difficile de contrôler vraiment la force d’un animal. Or, il fallait être précis pour transporter ces blocs si lourds et dangereux.

— Donc ce sont surtout les hommes qui ont fait tout le travail?

— Sans doute.

— En s’aidant de cordes? En essayant de faire glisser les blocs de pierre?

Gravure de 1887 extraite de l’ouvrage ” Carnac des pierres racontées par des voyageurs des 18e et 19e siècles.” de Roland Becker. Préface d’Yves Coppens. Ed. Coopbreizh.

— Exactement! Pour cela ils pouvaient placer des rondins sous les blocs de pierre, les déplacer sur des sortes de rails en bois, s’aider de leviers (des morceaux de bois permettant d’exercer une pression sur la pierre)ou utiliser de la graisse pour faciliter le mouvement.

— Cela devait quand même être très dur!

— Et dangereux. Mais les monuments que l’on voit aujourd’hui n’ont pas été construits en un jour. Le cairn de Barnenez a été édifié sur près de 500 ans. Des blocs de pierre de certains monuments ont aussi été réutilisés pour d’autres.

— Malgré tout, il devait falloir beaucoup de monde pour ce travail. Sais-tu si les femmes et les enfants y participaient?

— C’est possible. Mais, sincèrement, il est impossible de le dire. Ce qui est sûr est qu’un grand nombre de personnes était nécessaire. Il fallait qu’elles acceptent. Soit parce que quelqu’un d’important pouvait les y forcer. Soit parce qu’elles désiraient le faire. Ou bien pour les deux raisons à la fois

Le Cairn de Barnenez (Finistère) le plus grand mausolée mégalithique d’Europe . Long de 75 mètres, le monument est constitué de deux cairns accolés. Ils recouvrent onze dolmens à couloir.

Pourquoi ces monuments datent- ils du néolithique?

Apolline— Pourquoi ces monuments datent- ils du néolithique ?

Intérieur du cairn reconstitué de Locmariaquer

L’historien— Parce que c’est à cette époque que les hommes ont commencé à ne plus vivre seulement de la chasse, de la cueillette et de la pêche. Ils ont inventé l’agriculture et l’élevage. Pour cela, ils ont dû s’établir suffisamment longtemps en un lieu donné. Ils ont donc cessé d’être des nomades qui suivent le gibier, sont devenus des sédentaires, ont construit des villages. Regroupés, ils étaient plus nombreux en un même endroit. Cela ne fut pas facile. En Europe, le néolithique commence il y a environ 8500 ans et se termine il y a 4000ans. Au début, les récoltes pouvaient être maigres, et les premiers paysans vivre plus mal que des chasseurs. Mais, avec le temps, les hommes ont perfectionné leurs techniques et produit davantage de nourriture. Ce quia permis de faire vivre des groupes plus nombreux. On pense que dans la région de Barnenez il y avait alors, en moyenne, 50 habitants par kilomètre carré : c’est-à-dire dans un espace correspondant à un carré de 1 kilomètre de côté, ce que l’on appelle la densité. Aujourd’hui, cette densité, en France, se situe entre 3,6 en Guyane et 20000 à Paris.

— Donc, au néolithique, le nombre des hommes augmente?

— Il s’accroît rapidement. C’est l’un des éléments de la «néolithisation», avec l’agriculture, l’élevage, la sédentarisation.

— Tu as dit aussi qu’il y avait des chefs.

Signes gravés dans le cairn de Locmariaquer.

— Des chefs ont existé sans doute bien avant. Il y en a chez les nomades. Mais, au néolithique, leur pouvoir se renforce. Ils peuvent davantage contraindre ou inciter d’autres personnes à travailler pour eux

.— Ces personnes sont devenues leurs esclaves alors?

— Certaines sans doute. Car c’est au néolithique qu’apparaît l’esclavage. Mais on ne peut jamais obliger longtemps tout un peuple à faire quelque chose qu’il ne veut pas. Cela veut dire que beaucoup de personnes ont travaillé volontairement à la construction des mégalithe

Mais à quoi cela pouvait- il leur servir?

— Certains monuments, les dolmens et les cairns (qui sont en fait des dolmens alignés et recouverts) ont servi de tombeaux. Pour des chefs, sans doute, parfois peut-être pour des familles ou des groupes humains plus nombreux. Pour d’autres monuments, comme les alignements de Carnac ou ceux répartis en cercle à Stonehenge, en Angleterre, on ne sait pas trop. Ils ont pu avoir une signification religieuse, en relation avec le rythme du soleil, des saisons. Ils pouvaient aussi servir à montrer la force d’un groupe, à délimiter une frontière ou un passage :entre plusieurs clans, ou entre le monde des vivants et des morts. Il est aussi possible que certains monuments aient servi, en même temps, à plusieurs choses, avoir plusieurs fonctions.

— A-t-on retrouvé des ossements, des objets lors des fouilles archéologiques?

— Oui, en certains endroits de vrais petits trésors avec des restes de squelettes et des objets précieux pour l’époque, armes ou bijoux par exemple. Parfois quasiment rien. Les terres acides, à Barnenez par exemple, finissent par faire disparaître naturellement toute trace d’ossements. Mais la forme des monuments nous apprend aussi des choses. Es- tu entrée dans un cairn ou sous un dolmen?

— Oh oui, cela n’était pas facile! Comme je ne suis pas très grande, je n’ai pas dû me baisser, comme mes parents. Mais c’était étroit et sombre. Avec une sorte de couloir et, au fond, un petit espace comme un rond.— C’est dans cet espace circulaire qu’étaient déposés ou ensevelis les morts. Ce n’est pas un hasard si le chemin pour y accéder est difficile, s’il faut se baisser, dans le noir : un endroit destiné à recevoir des personnes décédées est sacré. On ne doit y pénétrer qu’avec précaution. Des couleurs — dont la trace ne s’est que rarement conservée — ont parfois été utilisées, et des signes été gravés sur la roche. Certaines pierres ont été en partie taillées, d’autres assemblées pour créer un effet spécial, comme le plafond circulaire de l’une des tombes de Barnenez.

— C’est la preuve qu’il s’agit bien d’un monument.

— Toi, Apolline, tu as parfaitement compris ce que nous avons dit la dernière fois, et retenu la définition du mot monument. Bravo!

— Mais, après tout ce travail, pourquoi a-t-on, après le néolithique, arrêté de construire des monuments comme cela?

— Parce que les hommes et les sociétés ont changé. C’est là une grande leçon de l’Histoire. Selon les époques, les hommes ne voient pas les choses et le monde de la même manière.

llustrations : les dessins des élèves des classes deCE1,CE2,CM1,CM2 de l’école primaire Yann-Fanch Kemener de Tréméven (29300).Merci à eux et à Béatrice Dizès de la médiathèque La passerelle à Tréméven.    ( tous les dessins sur le site www.histoiremagazine.fr)

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Olivier Grenouilleau

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