Par Yves-Marie Bercé de l’Institut

Dans les anciennes sociétés rurales, fondées sur la sédentarité et l’autoconsommation, il n’y avait pas place pour les sortes de crimes organisés qui accompagnent les courants de commerce et les échanges monétaires. Bien sûr, ces époques avaient leurs déviances et violences spécifiques déchainées dans certaines circonstances, reconnues depuis longtemps et jamais apaisées. Il s’agissait des fins de guerre, lorsque les hommes enrôlés pour des saisons ou des années se retrouvaient sans emploi, privés des payes et des butins coutumiers. Habitués aux profits des armes, n’ayant plus ni cause ni logis, les soldats débandés survivaient de brigandages. Ainsi, des troupes de routiers et d’écorcheurs avaient exercé des ravages à la fin des guerres franco-anglaises. Aux retours des guerres d’Italie, à la suite des guerres de religion, des bandes de pillards avaient circulé pendant de longues années. Une autre forme de danger social était la montée en nombre de miséreux, après des récoltes insuffisantes provoquant des disettes mortifères plus ou moins étendues et plus ou moins durables. Des vagues de campagnards déracinés, réduits à la mendicité, contraints à l’errance, solitaires ou attroupés, gonflaient alors les populations des villes de flots de gens sans feu ni lieu. Contre les désordres de soldats débandés, la réponse des institutions avait été la création dans les armées de

cavaliers de maréchaussée commandés par des prévôts, juges bottés, qui avaient pouvoir de pendre, sans autre forme de procès, les criminels pris en flagrant délit sur les grands chemins. Ces escortes d’archers dont disposaient les chefs militaires au cours du xv° siècle furent généralisées au siècle suivant pour faire face à la croissance de population, à la montée en puissance des villes et aux masses de miséreux. De petites compagnies de maréchaussée furent sous le règne de Henri II établies dans chaque bailliage ou sénéchaussée avec compétence limitée à la rase campagne. Ces « archers » étaient peu nombreux ; ils étaient assemblés assez rarement, par exemple pour mettre fin à des petites guerres seigneuriales, pour débarrasser de voleurs une forêt ou un site de foires trop exposés aux embuscades. En fait, le redoutable adage de la justice prévôtale « pris, pendu » avait son complément ironique « pas vu, pas pris ».

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