Le musée national du Moyen Âge à Paris présente jusqu’au 8 janvier 2018 l’exposition « Le verre, un Moyen Âge inventif ». Donner à voir et à comprendre ce foisonnement créatif et technique, tel est l’objet de cette exposition. Laurent Albaret l’a visitée pour nous …
Le verre dans tous ses éclats au Musée de Cluny
par Laurent Albaret, historien médiéviste et spécialiste de l’histoire de l’aviation dans l’entre-deux-guerres
Alors que le prestigieux Musée national du Moyen Âge – généralement appelé par les habitués « Musée de Cluny » – est en pleine restructuration avec la construction du bâtiment « Cluny 4 », une exposition de grande qualité, intitulée Le verre, un Moyen Âge inventif, a ouvert ses portes le 20 septembre 2017 – et ce jusqu’au 8 janvier 2018 – autour d’une thématique a priori classique qu’est le verre au Moyen Âge. Objet de fascination depuis les temps antiques car né de l’alliance du sable et du feu, matériau considéré comme fragile et rare selon les époques et les lieux, le verre connaît une véritable révolution avec le Moyen Âge « inventif », que ce soit dans son utilisation pour l’architecture avec le vitrail, comme produit de luxe, mais aussi dans l’usage du quotidien, du sacré ou du savant. Le défi du Musée national du Moyen Âge – et de la commissaire d’exposition Sophie Lagabrielle, conservateur général du Patrimoine au Musée de Cluny – était de couvrir près de dix siècles de production et d’innovation, période de grand foisonnement créatif et technique sans précédent, dans un espace limité, mais ici totalement investi qu’est le frigidarium des thermes de Cluny. L’objectif était également de montrer de quelle manière, au cours des (r)évolutions techniques, le verre s’est immiscé dans tous les domaines de la vie quotidienne du Moyen Âge, mais aussi dans toutes les strates de la société. Le défi était conséquent, les moyens et les œuvres présentées devraient être à la hauteur. Avec le mécénat du Groupe Saint-Gobain et le soutien de The Selz Foundation, plus de 200 objets autour du verre ont été rassemblés, grâce à des prêts d’institutions telles que le Victoria and Albert Museum de Londres (Royaume-Uni), l’Historisches Museum de Ratisbonne (Allemagne), le service archéologique de Zélande (Pays-Bas), les musées royaux d’art et d’histoire de Bruxelles, le musée suédois d’histoire de Stockholm, le Museum Markiezenhof de Berg-op-zoom (Pays-Bas) ou encore le musée de Tarquinia (Italie). Les musées français ont également largement contribué à cette exposition comme ceux de Lille, Metz,
Strasbourg, Caen, Avignon ou encore Angers, complétant ainsi les collections du Musée de Cluny. Au final, le résultat est à la hauteur de l’investissement scientifique voulu par les coordinateurs de l’événement.
La fabrication du verre, composé de 60% de silice sous forme de sable, est pratiquée depuis
l’Antiquité. L’exposition s’ouvre donc naturellement sur une introduction concernant les premiers travaux sur le verre, une évocation de la production de
l’Antiquité et des techniques. Le sujet ainsi introduit, le parcours peut être déroulé, avec trois axes thématiques : le verre d’architecture, le verre creux et ses usages, le verre précieux et de précision. Le premier axe est notamment évoqué par les maîtres verriers mérovingiens et le début réel de l’utilisation du vitrail, objet que l’architecture gothique met ensuite en lumière, que ce soit à l’abbaye de Saint-Denis, à la Sainte-Chapelle ou dans les riches demeures parisiennes aux XIVe et XVe siècles. Outre la beauté des pièces rassemblées, on retiendra une scénographique de qualité – dans un espace sombre – qui permet de faire ressortir les couleurs éclatantes des vitraux et des fragments présentés. Dès ce premier espace, la diversité des œuvres exceptionnelles présentées interpelle le visiteur, qu’il soit initié ou simple curieux du sujet
Dans un deuxième axe, le verre en tant que vaisselle, à travers les gobelets et verres à tige, est largement présenté dans l’exposition : produit de luxe ou de semi-luxe, matériau onéreux, il s’impose néanmoins progressivement, non seulement sur les tables des grands du royaume, mais aussi dans les tavernes, bien qu’il soit parfois présent à l’unité et préservé des maladroits que l’on prévient par des formules explicites : « Veille à saisir tous ces voirres [verres]. Tiens les bien, car si tu les casses, à l’hoste, … Lire la suite