Un “cold case” enfin résolu aux Archives nationales

Un “cold case” enfin résolu aux Archives nationales

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Le paléopathologiste Philippe Charlier fait "parle" le sang de Robespierre

Ce n’est pas un « cold case » au sens propre, mais ça y ressemble. Si on connaît les causes de la mort de Robespierre, guillotiné le 28 juillet 1794, la présence de son sang sur un mobilier historique était, jusqu’il y a peu, une affaire pas complètement élucidée. Les analyses de paléo-protéotypage menées récemment par Philippe Charlier, médecin légiste et anthropolgue, lèvent le doute : il s’agit bien du sang de Robespierre !

Faire parler les morts
Dans les années 2010, le bureau – appelé la « table de Robespierre » – attire l’attention de Philippe Charlier qui s’est lancé dans une série d’études pour « faire parler les morts » à partir de leurs reliques.
A l’aide d’un écouvillon, il procède à des prélèvements sur les zones les plus pigmentées et celles de couleur marron. Publiés en 2021, les premiers résultats de son analyse s’avèrent plutôt décevants. Le cuir qui recouvre la table a été tellement contaminé par des milliers de mains, depuis 1794, qu’il n’est pas possible d’afficher de certitude.
Mais Philippe Charlier ne s’avoue pas vaincu : la morphoanalyse des traces de sang a beaucoup progressé avec les avancées technologiques. En 2024, à l’issue de nouvelles analyses de paléo-protéotypage sur les échantillons, l’incertitude est enfin levée ! Il s’agit bien de sang humain et, manifestement, de celui de Robespierre. Les protéines prélevées corroborent l’expertise médico-légale rédigée par les deux officiers de santé qui ont ausculté Robespierre dans la nuit du 9 thermidor : victime d’un traumatisme crânien et encéphalique, il aurait perdu son sang à la suite d’un « tir entrant intra-oral ».
Le paléopathologiste fait également « parler » d’autres protéines comme le liquide céphalo-rachidien, qui s’est également répandu, mêlé au sang. C’est la présence de ces deux composants qui confirme le récit entourant cette table, transmis depuis la Révolution.
Bref rappel : la nuit du 9 au 10 thermidor
Le 9 thermidor de l’an II (27 juillet 1794), Robespierre est arrêté et gravement blessé par balle à la mâchoire. Transporté aux Tuileries, il est allongé sur une « table » où il est exposé aux regards, aux moqueries et aux insultes de la foule. Sa blessure l’empêche de parler, mais il reste lucide. Il perd son sang sur cette table entre 2h et 6h du matin où il sera soigné, avant d’être guillotiné le 10 thermidor à 19h, place de la République.

« La table de Robespierre » ou la guerre des symboles
Depuis 1794, c’est ainsi qu’on qualifie le très beau bureau sur lequel l’incorruptible aurait perdu son sang. Avant le 9 thermidor, ce chef d’oeuvre d’ébénisterie a déjà une longue histoire.
Exécuté par l’ébéniste Gaudreaux, le bureau est livré en 1744 au château de Choisy pour le cabinet du conseil de Louis XV. En 1794, le meuble est utilisé par le Comité de salut public qui fait transformer ses appliques de bronze : elles portaient le chiffre du roi, elles seront ornées de faisceaux de licteurs et de bonnets phrygiens. Après la Révolution, le bureau sert aux différents régimes qui se succèdent.
Le bureau entre aux Archives nationales, le 4 août 1849, en même temps que les archives conservées au Louvre.
La pièce semble n’avoir quitté qu’une seule fois les Archives nationales. Le 10 février 1947, elle est transportée au Quai d’Orsay pour la signature du traité de paix entre la France et l’Italie.
Par arrêté du 7 octobre 1969, elle est classé Monument historique, au titre objet.
Des témoignages historiques évoquent les traces de sang, mais aucun rapport précis n’est retrouvé. Au fil du temps, la table a beaucoup servi, les traces de sang s’effacent. A la fin du 20e siècle, devant le risque de les voir disparaître, on fait protéger le plateau par une immense plaque de plexiglass.

Table de Robespierre© Alain Berry-Archives nationales de France

Le saviez-vous ?
Les Archives nationales ne conservent aucun cadavre mais, au-delà du sang de Robespierre, certains documents recèlent d’infimes résidus du corps humain.
Philippe Charlier a également été associé au projet de recherche des Archives nationales dédié à l’étude de fragments de cheveux humains intégrés dans des sceaux de cire mérovingiens ; étude conduite par Marie-Adélaïde Nielen du département Moyen Âge et Ancien Régime des Archives nationales.
Philippe Charlier finalise une publication scientifique sur ce thème.

@Archives nationales.

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Métro : Hôtel-de-Ville (ligne 1), Rambuteau (ligne 11),
Arts et Métiers (ligne 3).
Bus : lignes 29 et 75, arrêt « Archives-Haudriettes »
ou « Archives-Rambuteau ».
Entrée libre et gratuite
Ouvert du lundi au vendredi de 10 h à 17 h 30
Samedi et dimanche de 14 h à 17 h 30
Fermé les mardis, le 25 décembre et le 1er janvier
www.archives-nationales.culture.gouv.fr

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