L’émeute qui éclate à Paris le 18 mars 1871 plonge la France dans les affres d’une nouvelle guerre civile. Des semaines durant, jusqu’à fin mai, la capitale est le théâtre d’une insurrection qui, pour partie, est la conséquence de la défaite militaire contre la Prusse. L’armistice signé (28 janvier 1871), les Parisiens doivent se résoudre à voir défiler l’ennemi dans les rues d’une capitale humiliée qui n’a rien oublié des duretés du siège de Paris au cours de l’hiver (1er mars 1871). S’inspirant de ces tragiques événements, Zola publiera en 1892 La débâcle, le dix-neuvième volume de la série des Rougon-Macquart. A Paris, où l’on ne pardonne pas aux politiques les pourparlers de paix, et où le sentiment d’avoir été trahi l’emporte, l’exaspération monte encore d’un cran lorsque le gouvernement nomme trois bonapartistes aux postes clés de préfet de police, chef de la Garde nationale et gouverneur. Mais la Commune a aussi des origines plus lointaines qui plongent leurs racines dans les transformations politiques et sociales du second Empire. Sous Napoléon III, les ouvriers ont pris conscience de la dégradation de leur condition. Ils savent aussi que les syndicats et les associations les aident à porter leurs revendications avec plus d’efficacité. Ils s’aperçoivent aussi que la ségrégation urbaine les a repoussés vers la périphérie de la capitale. Une véritable ceinture « rouge » s’est constituée autour des beaux quartiers bourgeois du centre. Un peu partout dans les banlieues, des clubs, des groupes politiques socialistes se sont mis en place. Les plus modérés veulent transformer la société tandis que les plus extrémistes veulent une dictature de salut public. La guerre, les rigueurs de l’hiver 1870-1871 et les maladresses de la classe politique agissent comme des déclencheurs.
Déjà en septembre s’étaient manifestés des symptômes d’une fièvre révolutionnaire grandissante. On avait créé des comités de vigilance dans certains quartiers populaires acquis aux Jacobins et aux partisans de l’Internationale ouvrière. Un comité central avait aussi vu le jour et s’était donné pour objectif de conduire la lutte jusqu’à la victoire et constituer une « Commune » désignée par le peuple. Dans un tel contexte, les maladresses du pouvoir furent vécues comme autant de provocations. L’Assemblée fit ainsi le choix, en quittant Bordeaux, où elle s’était réfugiée pendant les combats, non de revenir à Paris mais de s’installer à Versailles. Quant au gouvernement, il aggrava son cas, aux yeux des Parisiens, en supprimant des indemnités versés à la Garde nationale. La décision d’Adolphe Thiers, chef du gouvernement, de récupérer les canons que l’on avait éloigné des Prussiens pour les mettre à l’abri sur les buttes de Montmartre et Belleville met, sans jeu de mots, le feu aux poudres ! Le peuple s’oppose au départ des canons. Très vite, la troupe fraternise avec les Parisiens. On dresse aussitôt des barricades. Deux généraux sont fusillés : la général Lecomte, chargé de l’enlèvement des canons à Montmartre, et le général Clément-Thomas, accusé de s’être opposé aux insurgés de 1848. En vain, Georges Clémenceau, maire du XVIIIe arrondissement, tente-t-il d’empêcher ces exécutions sommaires. Face à l’insurrection parisienne, Thiers préfère gagner Versailles.
Paris s’embrasa dès ce 18 mars. Les Gardes nationaux prirent les armes et occupèrent les voies de circulation. Ici ou là, on vit errer des soldats de l’armée régulière, ne sachant à quel camp il fallait se rallier. Peu sûr de la fidélité des troupes, craignant qu’elles ne soient pas assez nombreuses face aux insurgés, Thiers préféra ordonner leur évacuation. Au soir, l’affaire était réglée et Paris resta aux mains des émeutiers. Dès lors, la capitale s’en remit à quelques dizaines de socialistes, anarchistes, jacobins nostalgiques de la Révolution française et autres utopistes. Pour faire face au vide politique qui venait de s’installer à Paris ce 18 mars, ils organisèrent, dès le 26 du mois, des élections municipales. Moins de la moitié du corps électoral s’exprima dans les urnes. Nombreux furent ceux qui, par prudence, préférèrent fuir Paris. Le 28, on proclama la Commune. Au final, les élus ne siègeront que cinquante-quatre jours. Pour les Parisiens, l’insurrection conduisit à supporter un second siège, mené par les « Versaillais », et déboucha sur une Semaine sanglante, du 21 au 28 mai. « Communards » et Parisiens firent les frais d’une terrible répression. C.D.