<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> TRAITES NÉGRIÈRES -En France méditerranéenne, XVIIe-XIXe siècle
Le coup de coeur de la rédaction
Les traites négrières sont étroitement associées à l’histoire des ports ponantais, comme Nantes, La Rochelle, Le Havre et Bordeaux, mais les ports de la façade méditerranéenne, Sète et surtout Marseille ont pourtant participé à l’infâme trafic. De la fin du XVIIe siècle au milieu du XIXe siècle le grand port provençal a armé plus de 120 navires négriers. Ce n’est pas la moindre des surprises que révèle cette étonnante histoire mise au jour par l’historien Gilbert Buti. En l’absence de témoins de pierre et de registres spécifiques, il a dû brasser une fragile mémoire de papier enfouie dans de multiples liasses et dossiers garnissant les rayonnages des dépôts d’archives pour recomposer les routes du commerce « circuiteux », plus complexes que celles du classique « commerce triangulaire ».

D’entrée de jeu, l’auteur invite le lecteur à suivre, au jour le jour, de 1787 à 1789, une campagne négrière à bord du Raphaël, véritable « coffre à mort » selon les termes du lieutenant de bord, qui a rédigé un « Journal de voyage ». Quoi de plus éloquent que le récit d’un négrier pris sur le vif ? Nous suivons la sinistre expédition de Marseille au marché aux esclaves de Saint-Domingue, après une escale à l’île de France (île Maurice) et l’achat de plus de 200 captifs le long des côtes de Mozambique. Avant 1783, un navire négrier quittait Marseille tous les trois ans, ils sont neuf à aller à la traite chaque année entre 1783 et 1793. L’auteur décrypte ce « boom » dans un port qui a longtemps été réticent à ce trafic malgré les incitations et subventions de l’État pour y participer. Le plus singulier, c’est que ce soudain essor se produit alors que des voix condamnent la spéculation négrière en des termes d’une grande modernité, fustigent l’esclavage et la colonisation. Mais ces vertueuses paroles sont sans incidence sur l’infâme trafic.

Les navires, en rien spécialisés, les cargaisons de traite dont le corail rouge comme « produit d’appel », les techniques d’achat et les lieux de traite du golfe de Guinée à l’Angola et en Afrique de l’Est sont rigoureusement examinés. Outre cette participation à la traite atlantique, des caboteurs provençaux se livrent à un discret trafic négrier en Méditerranée, transportant des esclaves de l’Afrique sub-saharienne vers les Échelles du Levant.

Comme les navires employés, les hommes de la traite, à commencer par les capitaines, dont sont retracés quelques parcours professionnels, sont des négriers par intermittence, se livrant à ce commerce au gré des circonstances, sans état d’âme. Il en est de même de négociants-armateurs, qui participent « accessoirement » aux côtés d’autres activités marchandes à ce trafic esclavagiste.

La présence de gens de couleur, esclaves et libres, dans le Midi de la France résulte largement de la traite. Le comportement des autorités nationales et des populations locales oscille à leur égard entre rejet et, peut-être plus qu’ailleurs, intégration. Non seulement l’interdiction de la traite, imposée par l’Angleterre en 1815, ne met pas un terme à la pratique, mais une traite négrière « déguisée » se maintient après l’abolition de l’esclavage. On l’aura deviné, cette étude originale et souvent surprenante, accompagnée de documents, brise un lourd silence, comble un vide historiographique et un trou de mémoire.

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