Normands.
Migrants, conquérants, innovateurs
du 14 avril au 13 août 2023
au Musée des Antiquités et au Musée des Beaux-Arts, à Rouen
Cette exposition-événement s’inscrit dans une saison dédiée prenant effet sur tout le territoire normand, en partenariat avec Caux Seine agglo et le Musée de Normandie-Château de Caen.
Pensée sous l’angle de l’histoire globale, l’exposition aux musées des Antiquités et des Beaux-Arts met avant tout en avant la complexité et la richesse des liens tissés entre la Normandie et le reste du monde dès cette période médiévale des IXe-XIIe siècles. Plus de 250 œuvres sont ainsi présentées comme autant de jalons de la grande épopée des Normands, bâtisseurs d’une Europe avant l’heure, qui ont en leur temps élu domicile dans différents pays, de l’Angleterre à la Sicile.
L’exposition débutera au musée des Antiquités en se focalisant sur les Scandinaves du IXe au XIIe siècle. Car avant d’être des Normands, ces femmes et ces hommes du Nord avaient une vie, des habitudes, qu’il convient de regarder de près. Les Vikings constituent l’un des fils rouges de l’exposition et cette section liminaire conçue comme une unité muséographique indépendante, donnera à comprendre le contexte d’origine de l’expansion scandinave.
Elle se poursuivra au musée des Beaux-Arts au travers de multiples sections réunissant plus de 250 œuvres dont des pièces rares et inédites, avec de nombreux prêts d’institutions en France et en Europe telles que, le Musée de la Tapisserie de Bayeux, le National museum of Scotland, le Museo Nazionale del Bargello à Florence ou encore le Swedish History Museum de Stockholm.
La première d’entre elle explorera bien sûr l’arrivée des Vikings dans l’Empire franc, et en particulier dans le duché de Normandie, provoquant des rencontres parfois violentes qui se solderont pourtant par un traité de paix et de protection. Les quatre autres aborderont les migrations et conquêtes de l’Angleterre, la création d’un puissant conglomérat anglo-normand, la présence des Normands en Italie méridionale, jusqu’à la Reconquista et aux croisades.
En dépit de l’absence d’unité politique, la
Scandinavie médiévale possède tant sur
le plan de la langue, de la religion, de l’art
que sur celui de la culture matérielle, une
civilisation commune. Bien avant les migrations
« normandes », les peuples du Nord se livraient
à un commerce international qui connectait
l’Occident à l’Orient byzantin et musulman.
Leur christianisation, amorcée au IXe siècle,
devient réellement effective à partir du siècle
suivant, dans un contexte où paganisme et
christianisme se côtoient encore. Parallèlement
aux Vikings débarqués sur la côte atlantique
puis dans les terres d’Europe de l’Ouest,
les Varègues explorent l’Europe orientale,
fondant au IXe siècle la première principauté
slave, la Rus’ de Kiev. Cette section liminaire,
conçue comme une unité muséographique
indépendante, donnera à comprendre le
contexte d’origine de l’expansion scandinave
sur l’ensemble du continent européen.
Navigation et droit
Si la présence des Vikings a été retentissante
en termes de destructions et de vols,
leurs apports pourtant bien réels sont
plus difficiles à cerner. Leur inclination
première était le réemploi : ils n’ont, par
exemple, pas frappé monnaie, mais réutilisé
les pièces en circulation, en y ajoutant
des signes ou « traits » sur les pièces.
Ils ont néanmoins véhiculé des savoir-faire
dans le domaine des armes, épées ou haches
retrouvées dans le lit de la Seine, même
si, comme pour la monnaie, ils auraient
pu réutiliser des épées anglo-saxonnes ou
mérovingiennes. Leur autre domaine d’expertise
était la navigation (techniques de construction
navale, bateau en bois principalement).
La Normandie développe alors un droit
coutumier, une loi sous-tendue de préceptes
juridiques en partie importés de Scandinavie,
qui restera une particularité locale et
va prévaloir, en Normandie, jusqu’à une
date avancée de l’époque moderne.
Les Vikings dans l’Empire franc
Sur la « route de l’Ouest », les Vikings mènent
des expéditions maritimes en direction du
monde carolingien, avant de conforter de
façon durable leur présence en Normandie.
En 911, au traité de Saint-Clair-sur-Epte, le
roi Charles le Simple reconnaît à leur chef
Rollon l’autorité sur Rouen et sa région, en
échange de la protection du royaume : c’est la
création du duché de Normandie, qui esquisse
le périmètre de la région actuelle et son identité
culturelle. Comme dans d’autres contrées,
les Vikings s’imposent lorsque l’opposition
est faible et fragile car ils sont avant tout des
marchands avides d’opportunités commerciales
et politiques. C’est ainsi qu’après avoir pillé
plusieurs abbayes de la région face à des clercs
en fuite, ils s’attacheront à restaurer et même
à accroître la notoriété de ces centres religieux
une fois au pouvoir.
Migrations
et conquêtes
de l’Angleterre
Expéditions guerrières et marchandes dans les
îles britanniques, hivernages, mais aussi colonies
(notamment celle de Danelaw dans tout l’est
de l’Angleterre à partir de 876), les Normands
et Vikings sont présents en Grande-Bretagne
bien avant la conquête de Guillaume en 1066.
Arrière-petite-fille de Rollon, la princesse
normande Emma est d’ailleurs l’épouse du
roi anglo-saxon Æthelred II avant d’être celle
du prince danois Knut le Grand, qui règne
au milieu du XIe siècle sur l’Angleterre, le
Danemark, la Norvège et la Suède méridionale.
Un puissant
conglomérat
anglo-normand
La conquête de l’Angleterre par Guillaume le
Conquérant, en 1066, met en place, de part et
d’autre de la Manche, un puissant conglomérat
soutenu par une élite anglo-normande
détentrice de seigneuries tant continentales
qu’insulaires. Si les écrits anglais sont presque
muets sur le sujet, tapisserie de Bayeux est en
revanche prolixe sur les exploits normands,
assumant un point de vue continental très
favorable à Guillaume, ses navires et ses troupes.
Il résulte de cette forte présence normande des
dynamiques culturelles et artistiques irriguant
ce vaste espace, consolidé par les territoires
plantagenêts avec l’union en 1127 d’une princesse
anglo-normande, Mathilde l’Empresse, petitefille
de Guillaume, et d’un comte angevin,
Geoffroy Plantagenêt. Cela n’empêche pas pour
autant la pérennité des traditions scandinaves
comme en témoigne le fameux jeu de Lewis.
La reconquête de la Normandie par Philippe
Auguste en 1204 qui met fin à l’autonomie du
duché et la défaite des Anglais et de leurs alliés
à Bouvines (près de Lille) en 1214 marquent
une scission progressive d’identité pour
les anciens territoires anglo-normands.