Livre : “Les jours fondateurs” et “La révolution Française et la violence”Une logique infernale …” (1789 à nos jours)

12 août 2023 | À la une

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Livre : “Les jours fondateurs” et “La révolution Française et la violence”Une logique infernale …” (1789 à nos jours)

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Article publié dans Histoire Magazine N°13

LA LECTURE DE THIBAULT TELLIER

Plus de deux cents ans après les évènements, la Révolution française reste l’une des principales références de notre fonctionnement politique. Alors que la France traverse une crise politique importante, il n’est pas vain de se remettre en mémoire les débats qui émaillèrent la création de la République en 1792; une partie de ceux-ci étant consacrée à la manière de se préserver de la violence politique qui présidât pourtant à la chute de la monarchie quelques jours plus tôt, le 10 août 1792. C’est précisément l’objet du livre de Pascal Wilhem qui restitue, jour par jour, les débats qui eurent lieu au château des Tuileries entre les 20 et 25 septembre concernant la manière de penser le nouveau régime que les uns et les autres souhaitent, mais aussi la manière d’éviter la guerre civile qui menace la toute jeune nation patriotique. Il est dès lors question durant ces jours fondateurs de se hâter, car, selon le député Pétion qui avait été maire de Paris, «la convention doit avoir hâte de travailler publiquement à son bonheur». Les débats, tels qu’ils sont ici retranscrits dans le livre, laissent toutefois entrevoir de lourds échanges, en particulier entre Girondins et Montagnards. On est en particulier frappé par la violence de certains propos qui rompent précisément avec l’esprit de concorde qui régna au moment de la chute de la monarchie et qui laissent augurer de jours sombres. Le député du Loir-et-Cher François Chabot qui siège à l’extrême gauche dans l’hémicycle demande que l’on discute des moyens de «forcer» la Convention à organiser très rapidement la forme du gouvernement. D’autres orateurs se montrent tout aussi menaçants dans leurs propos tenus à la tribune. Le député Marat va lui encore plus loin en réclamant l’établissement de la dictature au nom des circonstances présentes. Les échanges qui sont ici rendus permettent de mieux comprendre ce qui va suivre, à savoir l’extermination impitoyable des Girondins puis l’élimination d’une partie des Montagnards, Danton en tête, jusqu’à la fin de Robespierre et de ses amis en juillet 1794. Dès lors, on ne peut qu’être frappé par l’extrême violence qui envahit l’espace politique à partir de la chute de la monarchie.

Un constat que l’on retrouve également dans l’ouvrage d’Hervé Luxado qui tend à démontrer, cette fois sur la longue durée, que la violence a été consubstantielle à la Révolution française et que, de la même manière, elle a durablement imprimé sa marque sur la culture politique de la nation tout entière. Si la période la Convention constitue en effet l’épicentre de la violence politique révolutionnaire, l’auteur rappelle que celle-ci se déclenche dès la prise de la Bastille (un «spectacle d’horreur» selon l’écrivain Nicolas Restif de la Bretonne) et qu’elle n’a de la même manière jamais en réalité vraiment marqué de pause. Si l’épisode de la lutte anti-culte est bien connu, on connaît peut-être moins bien celui qui consista à s’en prendre aux Arts, en exigeant notamment la réécriture des textes anciens au motif qu’ils n’étaient pas suffisamment tournés vers les idées nouvelles. Ainsi, Jean-François Delacroix, député et membre du Comité de salut public, considérait qu’il ne fallait jouer «que des pièces républicaines contrôlées» par le gouvernement et cela, «pour le bonheur du peuple». On voit ici en quoi ce type de raisonnement put en inspirer d’autres, en particulier au XXe siècle. Dans un autre registre, la liberté de la presse eut également à souffrir de cette pensée ex- clusive, voir surtout d’exclusion parfois définitive. Sans parler bien évidemment des débats parlementaires durant les années 1793-1794 dont l’issue envoya à la guillotine un certain nombre de dé- putés et sur lesquels les deux ouvrages reviennent, chacun à leur manière, dans le détail. Tout au long du XIXe siècle, le souvenir de ces moments d’intense violence fit l’objet de fortes polémiques. La pièce Thermidor de Victorien Sardou jouée à la Comédie française en 1891 et qui dénonçait précisément les excès de la Révolution fut à plusieurs fois inter- rompue, notamment aux cris, nous rappelle l’auteur, de «Muscadins! Rendez la subvention». L’affaire prit même une tournure politique puisqu’elle fit l’objet de débats à la Chambre des députés. Échanges auxquels prit notamment part Georges Clemenceau. C’est d’ailleurs à ce propos qu’il affirma que «la Révolution française était un bloc». Dès lors, à en croire les deux auteurs, il convient donc de prendre en compte le facteur de la violence pour appréhender toute l’ampleur de ces années révolutionnaires qui devaient à tout jamais marquer la destinée de la nation contemporaine.

“LES JOURS FONDATEURS”

par Pascal Wihlem Paris, Novice 256 p. 2023 22 €

“LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET LA VIOLENCE : “Une logique infernale…” (1789 à nos jours) “

par Hervé Luxardo Clefs pour l’Histoire de France 233 p. 2023 16 €

À propos de l’auteur
Thibault Tellier

Thibault Tellier

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