Passionné d’histoire, Jean-Louis Bachelet est dramaturge et écrivain. Il intervient dans de nombreuses publications historiques. Il est auteur d’une quarantaine de pièces de théâtre et d’une quinzaine d’ouvrages publiés ces dernières années. Il est en outre sollicité comme ghostwriter d’historiens et biographe par de nombreux éditeurs.Parlant russe couramment, il publie également en Russie des livres et des pièces de théâtre. Il a également fait paraitre Une Vie cachée des papes (Albin Michel).
Les cathédrales ont été au fil du temps le théâtre des plus illustres pages de l’histoire de France, mais aussi d’évènements des plus dramatiques ou spectaculaires : Saint-Maurice de Vienne, où l’élimination des Templiers fut décidée, Notre-Dame de Strasbourg, décor des orgies nocturnes auxquelles se livraient les citadins au XVIe siècle, Saint-Sauveur d’Aix-en-Provence, Notre-Dame de Reims et aussi la «reine» des cathédrales, Notre-Dame de Paris. L’écrivain Jean-Louis Bachelet dévoile les secrets d’onze de ces hauts lieux de la spiritualité dans cet ouvrage passionnant. Entretien…
propos recueillis par Sylvie Dutot
F.T.H. : Jean-Louis Bachelet, dans votre ouvrage, vous évoquez « cet élan prodigieux vers le ciel qui saisit le Moyen Âge et l’amena à donner à la pierre la forme d’une prière à la mesure de sa foi », une foi qui inspire la construction de ces chefs-d’œuvre …
Jean-Louis Bachelet : Lorsque j’étais étudiant à l’Ecole du Louvre, nos professeurs évoquaient le miracle des pyramides d’Égypte, le miracle grec, que sais-je. Le fait est qu’il y a eu un « miracle des cathédrales », qui s’est manifesté par une ferveur jamais vue auparavant en Europe occidentale ; ferveur engendrée par une foi chrétienne extraordinaire, qui a donné aux hommes du XIIIème siècle le désir de bâtir une cité empreinte du paradis auquel les appelait Jésus Christ. La cathédrale, de fait, était conçue comme le royaume des Cieux exprimé dans la pierre. Cet élan, qui a perduré plus d’un siècle, trouvait sa légitimité dans la confession de la foi catholique, pour qui Jésus Christ, vrai Dieu et vrai Homme, incarnait la réconciliation définitive du ciel et de la terre. Dieu avait tendu sa main vers l’humanité, c’était à l’humanité de tendre la sienne : la cathédrale est l’expression de ce geste. Elle ne trouve son sens que dans l’abolition du mur qui séparait, dans les autres religions, le monde divin et le monde terrestre.
F.T.H. : Contrairement à certaines idées reçues, hommes et femmes de toutes conditions accourent pour apporter leur pierre à l’édifice …
Jean-Louis Bachelet : Cette idée reçue d’un Moyen âge obscur, durant lequel une poignée de tyrans sanguinaires conduisait le peuple d’une main de fer, a fait son temps depuis longtemps. Des historiens comme Georges Duby, Jacques Le Goff, ont sonné le glas de ces absurdités qui, rappelons-le, étaient le fruit de la haine anticléricale féroce nourrie à la fin du XIXème siècle, et au début du XXème. Certes, on ne vivait pas il y a mille ans comme aujourd’hui. La relation à la vie et à la mort n’était pas la même. Lorsque Savonarole expire sur le bûcher dressé au centre de Florence, en présence du jeune Machiavel, les enfants de la ville se partagent ses intestins, avec lesquels ils vont promener la carcasse du supplicié sur les bords de l’Arno. On se trompe en imaginant que la « cruauté » de certains féodaux était antée sur leur pouvoir et leur puissance. C’était un autre temps, très dur. On vivait au rythme des famines et des épidémies de peste. La mort était partout présente. Pour répondre maintenant directement à votre question, oui, le peuple s’est levé comme un seul homme pour contribuer à l’édification des cathédrales. Le nobliau côtoyait le serf pour tirer les blocs de pierre extraits des carrières… Lire la suite