Jochi, l’aîné, se vit ainsi chargé de la conquête des steppes situées à l’ouest de la Mongolie. Batu, le fils de Jochi, continua le mouvement et s’empara des territoires qipchaq et russe. Ils y établirent une administration qui prit assez tôt son autonomie vis-à-vis du reste de l’empire mongol, la « Horde » (orda) ou « Horde d’or », dont Marie Favereau, spécialiste des Mongols, nous raconte ici l’histoire et le fonctionnement avec talent. Ce livre permet aussi de nous retracer plus largement l’histoire, l’économie et la culture de l’empire mongol à travers l’une de ses composantes.
Les Mongols mirent très tôt leur logistique militaire à profit pour développer le commerce à longue distance. Ainsi, « la Horde permit de créer le plus vaste marché de l’histoire prémoderne, un réseau qui reliait les circuits de la Baltique, de la Volga, de la Caspienne et de la mer Noire dans un unique système opératoire, lui-même relié à l’Asie centrale, la Chine, le Moyen-Orient et l’Europe. » Batu, soucieux de maintenir son indépendance à l’égard du Grand Khan, fit de la basse Volga un pôle commercial dynamique en fondant notamment l’immense cité de Saray à l’embouchure de la Volga (75 000 habitants).
Pendant trois siècles, la Horde constituera ainsi l’une des forces motrices du développement mondial tout en laissant un profond héritage dans les régions soumises à son administration. La Horde domina le commerce continental et modela les trajectoires de la Russie et de l’Asie centrale jusqu’au XVIe siècle. L’ouvrage analyse longuement les relations commerciales entre Génois et Mongols, les premiers étant des acteurs majeurs du trafic d’esclaves, mais aussi du commerce céréalier.
Les dirigeants mongols cherchaient à séduire les commerçants en appliquant des taxes relativement légères sur les transactions, tout en assurant aux marchands la sécurité nécessaire et la protection de leurs biens. Pour les Mongols, sur un plan religieux, la circulation des marchandises contribuait à l’ordre cosmique de l’Univers en canalisant les esprits des morts. « Le commerce et la circulation des hommes et des biens, pierres angulaires des régimes mongols », ainsi que le résume Marie Favereau.
L’ouvrage comporte de très intéressants développements sur les relations entre les princes russes et les Mongols (une période de « collaboration » de quelques siècles…), puis sur l’émergence de la principauté de Moscou au début du XIVe siècle.
La peste survient en Crimée en 1346 avant d’envahir l’Europe. La formation de l’empire mongol avait en effet mis en contact des espèces issues de zones écologiques différentes ce qui avait permis l’émergence de l’épidémie. Le déclin économique précédera ainsi le déclin politique de la Horde.