Origines
Au début du XIXe siècle, avec la révolte grecque de 1821 et le soutien des opinions en France et au Royaume-Uni pour la cause insurgée, l’avenir de l’Empire ottoman semblait bien sombre, surtout après la catastrophe navale de Navarin en 1827, où la flotte du Sultan fut envoyée par le fond par une flotte combinée anglo-franco-russe. La coalition se délita quand les armées du tsar Nicolas Ier marchèrent vers le sud, ce qui conduisit à la guerre russo-turque de 1828-1829. Le conflit déboucha sur un changement de souveraineté au niveau des bouches du Danube, une conclusion fort décevante pour le Tsar.
De 1830 à 1853 les grandes puissances se livrèrent à un jeu d’influences dans et autour de l’Empire ottoman : le Royaume-Uni, ne voulant pas voir la flotte russe en Méditerranée, ce qui eût menacé ses intérêts, était sourcilleux sur la question des Détroits, et, partant, sur le maintien en vie de l’« Homme malade de l’Europe », alors que Français et Russes luttaient d’influence autour de la protection des lieux saints, avec un raidissement postérieur à 1851 : la France protégeant les intérêts des congrégations latines, la Russie les différentes communautés orthodoxes. Ce fut précisément la question des lieux saints qui servit de prétexte à la guerre de Crimée : Nicolas Ier, estimant les protégés des Français trop privilégiés, fit exiger par son ambassadeur à Constantinople, le général-prince Mentchikov1, de nouveaux privilèges pour les religieux orthodoxes, notamment au niveau du Saint Sépulcre. Présentée de façon humiliante, de surcroît par l’ambassadeur en vêtements civils au lieu de son uniforme, le 5 mai 1853, la demande fut rejetée par le sultan Abdul Majid, qui venait de recevoir l’assurance de l’ambassadeur lord Canning du soutien britannique. Fin juin, Nicolas Ier ordonna au général Ivan Paskievitch d’occuper les principautés roumaines, protectorats ottomans, mais où la Porte n’avait aucune troupe. Le 4 octobre 1853, le gouvernement du sultan donnait deux semaines aux Russes pour évacuer les principautés. Des vaisseaux français et britanniques étaient déjà aux Dardanelles, garanties du soutien « occidental ». Face à la fermeté turque, le Tsar ne recula pas non plus, même avec la mobilisation d’un corps d’observation de 15 000 soldats autrichiens aux frontières balkaniques, et renforça même ses troupes, tant vers la Dobroudja (bouches du Danube aux confins roumano-bulgares) que dans le Caucase. Techniquement, la guerre qui deviendrait « de Crimée », était commencée : le 25 octobre les forces ottomanes s’emparèrent de Batoum dans le Caucase, avant d’être sévèrement battues dans la même région les 26 novembre et 1er décembre, et surtout le 30 novembre la flotte du sultan avait été intégralement détruite. Français et Anglais, redoutant un effondrement turc, se décidèrent à envoyer des troupes, considérant que les escadres ne seraient pas suffisantes.
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