” La France de 2021 ? C’est Byzance en 1453 ! ” Entretien avec PASCAL BRUCKNER

10 avril 2021 | Histoire contemporaine

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” La France de 2021 ? C’est Byzance en 1453 ! ” Entretien avec PASCAL BRUCKNER

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Propos recueillis par Jean-Philippe de Garate et Sylvie Dutot

Comme à Byzance, les sophistes ont pris le pouvoir,
alors que la Cité est menacée de submersion.

Ecrivain, essayiste, membre de l’académie Goncourt, Pascal Bruckner s’est fait connaître comme « nouveau philosophe » dès les années 70 puis par une trentaine de titres traitant des problèmes de notre temps, comme « Une brève éternité » (Grasset, 2019) touchant à l’allongement de la durée de la vie. On a surtout en tête le fameux « Sanglot de l’homme blanc : Tiers-Monde, culpabilité, haine de soi », paru aux éditions du Seuil dès 1983 et mettant à jour les paradoxes, pour ne pas dire certaines aberrations du discours « dé-colonialiste ».
Son plus récent ouvrage « Un coupable presque parfait, la construction du bouc émissaire blanc » (Grasset, 2020) rend compte des évolutions de la pensée dominante « à gauche », avec son triptyque : race, genre, identité. Entretien…

Depuis les années 1980, l’évolution est sensible, on est passé de quelques discours sans grands échos au déboulonnage matériel de statues de Victor Schloecher, de Faidherbe, et — on ne peut que le constater — un climat d’agressivité, revendiquée, affichée, à l’encontre des valeurs qui semblaient, depuis 1945, universelles. Depuis la publication de votre ouvrage « Le sanglot de l’homme blanc. Tiers-monde, culpabilité, haine de soi » en 1983, que s’est-il passé ?
Pascal Bruckner : Les choses se sont clairement aggravées depuis 1990. Au discours tiers-mondiste « classique », qui visait une libération des peuples, un accès à la dignité de chacun, a succédé la réduction de la pensée au biologique. Sur un plan chronologique, historique, la chute du mur de Berlin (1989) a désagrégé les gauches occidentales. Des valeurs qu’on pensait acquises depuis 1945 — progrès, liberté, et surtout universalisme — ont cédé la place à des standards importés des États-Unis : le genre (masculin/féminin), l’identité (culturelle, nationale…) et la race (blanc/noir).

Il est paradoxal, à vous entendre, que cette « seconde américanisation », peu niable depuis la fin des années 1980, provienne des États-Unis, le pays pourtant à l’origine de la Libération de 1945 et terre d’accueil de l’ONU…
Pascal Bruckner : Ce retournement, cette haine de soi trouve son origine dans la lutte pour les droits civiques où les États-Unis échappent de peu à l’apartheid. À partir de là, deux voies s’ouvrent : celle de Martin Luther King qui veut réconcilier les Américains indépendamment de leur couleur de peau et celle des différentialistes qui divisent la société en minorités ethniques, sexuelles, religieuses juste unies par leur opposition aux Wasp, les Anglo-saxons protestants et blancs qui ont dominé le pays pendant des siècles. Aujourd’hui, à gauche du moins, cette idéologie triomphe. Le Blanc est celui qui doit demander pardon d’exister face à tous les autres citoyens. On a réinventé pour lui le péché originel.

Mais en quoi ce débat racialiste qui a effectivement animé les Démocrates américains — on se rappelle certaines « envolées » de Mac Govern dès 1972, comme celles du « métis » Barack Obama (2009-2017) — concerne-t-il la France ?
Pascal Bruckner : Le débat a été clairement importé, au même titre que les premiers Mac Do ou les premiers ordinateurs. N’oubliez pas ces universitaires français qui n’ont eu de cesse de passer de Vincennes à Harvard/Berkeley pour réimporter ensuite les valeurs dominantes. Cette idéologie à l’origine vient des universités françaises, surtout Vincennes et Normale Sup après 68 où de «brillants penseurs», tels Derrida (1930-2004) inventeur du « phallologocentrisme », Deleuze (1925-1995), Guattari (1930-1992) élaborent des concepts qu’ils vont exporter outre-Atlantique et surtout le fameux « phallologocentrisme»de Derrida censé condamner le monde occidental à jamais. Une triade dénonçant les phallocrates blancs possesseurs de richesses, machistes et racistes. Il fallait déconstruire la société… pour édifier une autre pyramide. Car derrière la pensée et l’action militante, demeure l’enjeu de la prise du pouvoir et de l’attribution des richesses. Qui voit aujourd’hui que derrière les discours, demeure la volonté de prise du pouvoir ?
Retravaillés par la culture américaine, les concepts de genre, de race, d’identité nous reviennent quasi méconnaissables sur leur sol d’origine. C’est une opération de conditionnement semblable à celle du pavot transformé en héroïne dans les laboratoires… Nous avons fourni le virus, les Américains nous renvoient la maladie pleinement développée.

Est-ce seulement le Vietnam, ou surtout, la fin de « l’Empire du Mal », l’Union soviétique (1991), qui a constitué le moteur de cette évolution ?
Pascal Bruckner : Le Vietnam avait été un déclencheur, mais la chute du mur de Berlin (1989) et la désagrégation très rapide (1991) de l’Union soviétique ont laissé les gauches européennes face à un désert. Il leur fallait trouver de nouveaux concepts, puisque les anciens étaient non seulement abattus, mais décrédibilisés. Tchernobyl (Ukraine, 1985) n’était pas « une centrale de gauche », mais avait, comme d’autres éléments, d’autres acteurs, dissidents polonais ou non, démontré la fissuration du système. Avant qu’il ne s’effondre. Il n’en restait rien. La social-démocratie n’a pas réussi à offrir une alternative crédible.

 

« la pensée se rétracte, les positions se figent. Une période de rabougrissement où l’on se rabat sur la trinité nord-américaine, la race, le genre et l’identité au lieu de la classe et du pouvoir économique.»

Comment, en France, est-on passé des discours républicains de gauche à ce qu’il faut bien nommer un langage de rapprochement avec une religion minoritaire ? *
(*)On se rappelle, datant de 2016 et des viols commis par des immigrés en Allemagne, la sortie « Entre avril et septembre 1945, deux millions d’Allemandes violées par des soldats. La faute à l’islam ? » de Clémentine Autain, femme politique provenant pourtant de cette gauche républicaine.

Pascal Bruckner : Une bonne part de la gauche a clairement abandonné la laïcité — devenue une idée de droite — pour des raisons électorales. D’autre part, pour les mêmes raisons — la gauche était face à un désert — elle a outrageusement simplifié le débat. Autant les années 1970-1985 ont été des années « d’ouverture » intellectuelle, autant nous vivons depuis 1990 une « fermeture » et il faut le dire, pour la France, un appauvrissement de la pensée. Cet appauvrissement a mené à la situation que nous constatons et déplorons aujourd’hui : la pensée se rétracte, les positions se figent. Une période de rabougrissement où l’on se rabat sur la trinité nord-américaine, la race, le genre et l’identité au lieu de la classe et du pouvoir économique.

Vous dénoncez ce « retournement du progressisme en obscurantisme ». Le bilan que vous dressez est sombre…
Pascal Bruckner : Regardez l’état de la gauche française un instant. Où sont les idées nouvelles, les hommes providentiels, les forces mobilisatrices ? Depuis 2001 la gauche française, à quelques exceptions près, s’acharne à détruire la laïcité, au nom du respect de l’Islam comme « religion des pauvres », à saboter l’espérance du progrès, au nom de la planète, à transformer le féminisme et l’anti racisme en machines de guerre contre les hommes d’un côté, les « Blancs » de l’autre.

« Il n’y a rien qu’un libéral américain aime plus qu’avoir un ami noir pour se prouver et prouver aux autres à quel point il est large d’esprit et combat aux côtés des opprimés.»

Vous évoquez même une « doriotisation ». Pouvez-vous expliquer ?

Pascal Bruckner : Du nom de Jacques Doriot, ce communiste farouche dans les années 30 qui, dépité de ne pas obtenir le Secrétariat général du parti en I934, je crois, bascule à l’extrême droite, collabore avec les nazis et termine abattu dans le Wurtemberg près de Sigmaringen par l’aviation alliée après avoir combattu sur le front de l’Est contre l’Armée rouge. Toutes proportions gardées, bien sûr, voyez l’état-major de la France Insoumise, les Verts, Attac, le NPA défendre becs et ongles l’Islam politique et les pires représentants de cette mouvance sur notre sol. Sans oublier la Ligue des droits de l’homme, indigne à tous égards. Tous ces militants intransigeants ont renié leurs convictions pour glaner des voix aux élections ou s’opposer au gouvernement. Ce sont nos nouveaux collabos.

Le mâle blanc et à travers lui l’Occident a-t-il tous les titres pour faire un coupable idéal ?
Pascal Bruckner : Oui le mâle blanc est trois fois coupable en tant que machiste, raciste et colonisateur. Cela fait beaucoup d’autant qu’il est candidat à sa propre accusation et avoue ses fautes avec délectation.

La haine du blanc est d’abord une haine de soi de la part du blanc fortuné…
Pascal Bruckner : J’ai été très frappée par la phrase de Patricia Arquette qui disait il y a quelques mois : « J’ai tellement honte d’être blanche ». Comment ne pas voir dans cette contrition surjouée une des ruses de l’orgueil ? L’orgueil d’être conscient d’un privilège et de le dénoncer sans le perdre pour autant. Les « Blancs » n’existent pas, pas plus que les « Noirs ». Rien de commun entre un russe de Vladivostok, un paysan sicilien, un bourgeois argentin et un agriculteur de Savoie. Entre un noir des Caraïbes, un Sénégalais ou un Congolais. La couleur de peau n’a jamais fait solidarité sauf aux USA, démocratie racialiste par excellence fondée sur l’esclavage et la ségrégation des Noirs. Il n’y a rien qu’un libéral américain aime plus qu’avoir un ami noir pour se prouver et prouver aux autres à quel point il est large d’esprit et combat aux côtés des opprimés. Le blanc fortuné, au lieu de promouvoir la justice sociale, dénonce sa couleur de peau et continue à se conduire en nanti. La meilleure preuve de cette attitude réside dans la décision du New York Times à l’automne dernier d’écrire « noir » en majuscule » et « blanc » en minuscule : simple paternalisme typographique dans lequel on peut voir un stratagème de la mauvaise conscience. Je feins de m’humilier devant vous pour conserver mes avantages. Les intellectuels afro-américains les plus éclairés dénoncent dans ces conduites une simple posture qui peut virer à l’imposture. Et le pire c’est que la presse américaine de « gauche » ose nous donner des leçons d’antiracisme !

Ne peut-on pas échapper à ces nouvelles catégories, étymologiquement et historiquement puériles ? L’Histoire ne se réduit pas à la domination « machiste » du « grand mâle blanc », j’allais dire du « grand Mal blanc »…
Pascal Bruckner : Il existe une véritable réduction intellectuelle à l’épiderme comme seule base de la réflexion politique. Il suffit d’écouter un certain nombre de femmes politiques comme Madame Obono pour comprendre que les gens sont ramenés à leur couleur de peau. Le « grand mâle blanc », c’est l’expression que Madame Obono (*) a utilisée à l’issue de la déclaration du discours de politique générale de l’actuel Premier ministre : « Le grand mâle blanc a parlé ». C’est la négation de la République. Et de l’universalisme qui lui est consubstantiel. Le premier des ministres ramené à sa biologie, à son genre, quelle avancée intellectuelle ! Le genre (mâle), la race (blanc), double faute aux yeux de la députée LFI, suffisent à exclure et à disqualifier. C’est oublier que la France est majoritairement blanche par nature comme l’Afrique est majoritairement noire.

(*) Danièle Obono, naturalisée Française en 2011, élue députée (LFI) en 2017, se réclame « altermondialiste, afroféministe, anti-impérialiste, antiraciste, anti-islamophobe et panafricaniste. » Le mot « française » ne figure pas dans sa liste. Ni celui de « républicaine ».

Cette américanisation est sensible et palpable. Lors de la victoire de l’équipe de France lors de la coupe du monde de football en 2018, contre l’équipe croate, les médias nord-américains ont annoncé une victoire « des Africains ».

L’observateur le plus impartial ne peut manquer d’observer la disparition d’une certaine gauche française, celle organisée autour des ouvriers-employés petits fonctionnaires au bénéfice d’autres militants, d’autres électeurs. Ce phénomène provient-il aussi des États-Unis ?
Pascal Bruckner : C’est l’évidence même ! L’électorat du parti démocrate américain est composé d’une collection de minorités. Les commentateurs, lors de l’élection de Donald Trump (2017), n’ont pas manqué de relever que la candidate démocrate, Hillary Clinton, ne s’adressait qu’à des clientèles. L’idée d’universalisme n’existait plus. La gauche française, Pascal Boniface le disait dès le début des années 2000, a opéré le même calcul. Que le cynisme ne soit pas nouveau en politique n’est pas un scoop. C’est pourquoi, calculant qu’il y avait cinq cent mille Juifs, mais cinq millions de musulmans, une certaine gauche a clairement choisi l’Islam.Voyez Jean Luc Mélenchon attaquant les Tchétchènes en France, -ils ne sont que 20 000- pour se garder l’électorat des Maghrébins.

La France est peuplée de 67 millions d’habitants. Environ quarante-cinq millions sont électeurs. Cinq millions, c’est se cantonner à une minorité… de surcroît assez récente dans l’histoire de France.
Pascal Bruckner : Ce sont les minorités agissantes qui, par leur militantisme, se trouvent en situation d’agglutiner une majorité. ces gens sont minoritaires, mais actifs et puissants. Ils détiennent une partie des médias de gauche, radio, télévision et journaux dont le Monde, l’Obs, Libération, Télérama heureux de se plier à cette nouvelle « idéologie progressiste ». Le service public est clairement influencé par l’islamogauchisme. Et le monde politique se révèle, derrière les postures sans portée, en réalité atone, impuissant. Vous avez une palette presque infinie : indigénistes, décolonialistes, néo féministes.

Ce qui est frappant, historiquement parlant, c’est la disparition d’un mot, la démocratie. Pour certains d’entre nous, cette notion était acquise. On s’aperçoit que rien n’est jamais acquis…
Pascal Bruckner : Oui, en histoire, rien n’est jamais acquis. Mais surtout, laissez-moi ajouter ceci : certaines minorités sont en situation de tuer la démocratie au nom d’une « justice absolue ». Nous avons été vos esclaves, vous serez coupables pour l’éternité… Elles se moquent de la démocratie.

Parmi les clientèles que vous citez, on ne peut manquer d’être sensible à l’évolution des féministes, dont certaines excluent tout homme, le mâle, désormais, de leur univers. Il est un peu drôle que « Le génie lesbien » (paru en 2020 chez Grasset) soit au masculin (le génie), mais pour autant la détermination de son auteur, Alice Coffin, élue au Conseil de Paris, demeure claire : « Enfant, je m’imaginais en garçon. J’ai depuis réalisé un rêve bien plus grand : je suis lesbienne. » Et, pour résumer, cette femme politique raie de la carte la moitié de l’humanité.

Pascal Bruckner : C’est un exemple parmi d’autres, on périme toute notion d’altérité, d’hétérosexualité… Ce n’est pas une minorité sans force. Désormais, comme aux États-Unis, ce groupe est doté d’une vraie puissance politique. Il faut éliminer les hommes, du moins en esprit et abolir l’hétérosexualité. Toute relation d’une femme et d’un homme est un viol, même quand elle est consentie. Vaste programme.

« Le spectre de la guerre civile n’appartient plus à je ne sais quels fantasme ou scénario hollywoodien. Cette fois, il est bien français..»

Ce puzzle de minorités constitue-t-il une majorité de rechange ?
Pascal Bruckner : Il faut dire clairement les choses. Nous sommes parvenus à un point de non-retour. La référence historique, c’est le mardi 29 mai 1453, la chute de Byzance. Pendant que des sophistes de toutes obédiences se disputent sur le sexe des anges, les troupes à l’origine de la formation de l’Empire ottoman prennent la ville. Et détruisent l’Empire romain d’Orient.
Pendant que les gouvernements de la république peinent à maintenir un semblant d’homogénéité, l’Islam ne perd pas son temps en arguties. Il agit. Ne pas le voir, ne plus le voir relève, non plus de la myopie, mais de la cécité. Quant à ses alliés du moment, il n’en resterait rien en cas de submersion. Qu’eux-mêmes ne le voient pas dit assez le niveau d’affaissement de la pensée, voire même de la logique.

Est-ce à dire que l’avenir, tel qu’on peut le construire en pensée, ne peut qu’être vert sombre ?
Pascal Bruckner : Nous vivons une période d’anarchie. Les leviers de commande ne répondent plus, le pouvoir central tire à hue et à dia, et… le mâle blanc est candidat à sa propre flagellation. Il reconnaît sa dette envers ceux qu’ils auraient réduits en esclavage, en oubliant juste une vérité simple : La France est restée 120-130 ans en Algérie, par exemple, l’Empire ottoman y est demeuré quatre siècles. Et pourtant, à qui demande-t-on des comptes ? À la France ou à la Turquie ? Et pour une raison simple, seule l’Europe a reconnu ses crimes ainsi que l’Église de Rome au concile de Vatican II. On attend que l’islam fasse de même un jour. Je crains que nous n’attendions très très longtemps…

Le méchant mâle blanc pourrait-il se réveiller ?
Pascal Bruckner : Le spectre de la guerre civile n’appartient plus à je ne sais quels fantasme ou scénario hollywoodien. Cette fois, il est bien français. Mais une guerre elle-même disséminée, sans direction centrale. Une situation de chaos plus qu’un combat entre deux forces distinctes. Les émeutes, les pillages, et le peu de considération porté aux forces de l’ordre par ceux-là mêmes qui en ont la direction sont susceptibles de générer en retour une prise de pouvoir par des forces extrémistes. Le spectre de l’homme ou de la femme providentiels resurgit, mais pour l’instant je ne vois personne se profiler. Quant au président actuel, s’il est brillant et intelligent, il reste tiraillé entre ses convictions et sa volonté de séduire tous les publics sans en fâcher aucun. Le scénario le plus probable pour notre pays est celui d’un long déclassement ponctué de violences intolérables. La France de 2021 : un Titanic au ralenti.

À propos de l’auteur
La rédaction

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Leszek Kanczugowski est historien de l'art, commissaire d'exposition et animateur de la vie artistique et culturelle française. Il a dirigé pendant plusieurs années le Foyer Jean-Paul II à Paris, où il a accueilli de nombreuses personnalités du monde l'art.
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