Propos recueillis par Sylvie Dutot
« Depuis le XIIe siècle, toutes les grandes heures de notre Histoire ont résonné sous les voûtes de Notre-Dame de Paris… »
Le 15 avril 2019, dans la soirée, un incendie se déclare dans la charpente de Notre-Dame de Paris, quelles ont été vos premières pensées face à ce drame qui a sidéré le monde entier ?
Stéphane Bern : Après un moment de sidération, j’ai ressenti une profonde tristesse, sans doute l’expression d’une impuissance devant ce sanctuaire en flammes que des hommes du feu tentaient de sauver, car la cathédrale Notre-Dame de Paris est plus qu’un lieu de culte, c’est un lieu d’histoire et de culture. Elle est le livre d’Histoire de 850 ans d’une formidable aventure humaine et qui fut le témoin de tous les grands événements de notre peuple depuis la présentation de la sainte couronne jusqu’à la Libération de Paris ou les obsèques du général de Gaulle… Elle aura résisté à tout, guerres, révolutions, saccages et pillages, mais pas à l’arrogance de notre modernité incapable de la protéger des flammes.
Notre-Dame, l’un des monuments les plus emblématiques de la capitale, est intimement liée à l’Histoire de France…
Stéphane Bern : Depuis le XIIe siècle, toutes les grandes heures de notre Histoire ont résonné sous les voûtes de Notre-Dame de Paris : citons le mariage d’Henri de Bourbon avec la reine Margot, le sacre de Napoléon Ier, la Libération de Paris, les funérailles des maréchaux Foch, Joffre, Leclerc, de Lattre, jusqu’aux cérémonies en hommage aux présidents de Gaulle et François Mitterrand. Notre-Dame de Paris, sur l’île de la Cité, donc au cœur de notre capitale, semblait devoir être le témoin immortel de notre Histoire, défiant les siècles, alors que nous, pauvres mortels, ne faisons que passer.
La bande dessinée que vous venez de publier avec Yvon Bertorello, Arnaud Delalande et Cédric Fernandez « Notre-Dame de Paris » aux édit. Glénat raconte cette nuit terrible où l’impensable était arrivé. Pourquoi était-ce important pour vous de raconter cet épisode tragique ?
Stéphane Bern : Il nous paraissait important de rappeler l’importance de ce sanctuaire religieux emblématique de l’Histoire de France et de raconter le drame qui s’est joué cette nuit terrible du 15 avril 2019 pour rendre hommage aux soldats du feu, aux pompiers qui, au péril de leur vie, ont tout tenté pour sauver des flammes ce qui pouvait l’être et notamment les deux tours. Il nous semblait aussi important de participer financièrement, concrètement, à la restauration de Notre-Dame de Paris pour apporter notre contribution à l’effort collectif. C’est cela aussi faire nation.
Plus d’un an après l’incendie, a-t-on de nouvelles pistes sur ce qui aurait pu le causer ?
Stéphane Bern : Toutes les hypothèses ont été émises, même les plus folles. J’espère qu’un jour nous connaîtrons les véritables causes de ce drame national, surtout pour éviter que cela ne se reproduise, pour apprendre de nos erreurs ou de nos manques. Une chose est certaine, il y avait des dysfonctionnements dans le système d’alerte et de sécurité incendie du monument auxquels s’ajoute sans doute une défaillance humaine. Quant à l’incendie lui-même, je ne crois pas beaucoup à la thèse du mégot, mais davantage à un court-circuit électrique, peut-être dans le système d’électrification des cloches…
Cet incident tragique n’est-il pas tristement symbolique de la menace qui plane sur le patrimoine architectural français dans son ensemble ?
Stéphane Bern : Si, vous avez parfaitement raison. Avant le drame de l’incendie de Notre-Dame de Paris, je me souviens du traumatisme que furent les incendies du Parlement de Bretagne à Rennes et de l’hôtel de ville de La Rochelle, pourtant en pleine restauration. La vétusté du système électrique est souvent la cause de l’incendie, comme ce fut le cas à La Rochelle. C’est pourquoi je suis heureux que dans le plan de relance du ministère de la Culture, avec quelque 614 millions d’euros dévolus au patrimoine, un vaste plan cathédrales soit destiné à sécuriser ces monuments qui nous relient au Moyen-Âge, l’âge d’or des cathédrales.
Dans votre « combat » pour la sauvegarde du patrimoine, et notamment du patrimoine religieux cet accident a-t-il engendré une prise de conscience des pouvoirs publics sur la fragilité de nos édifices et la nécessité d’agir rapidement ? De nombreuses églises sont en ruines sur tout le territoire français.
Stéphane Bern : Je crois qu’effectivement le drame de l’incendie de Notre-Dame de Paris a frappé les esprits. Le public, qui s’est d’ailleurs généreusement mobilisé, alors qu’on ne parle que des grands donateurs, a pris conscience de la fragilité de notre patrimoine religieux et de l’impérieux devoir de le sauver. Enfin, la cause du patrimoine est revenue au cœur du débat national, même si, une question essentielle se pose : on trouve certes 900 millions pour restaurer ND de Paris, mais avec quels moyens va-t-on pouvoir sauver ces milliers de petites églises de campagne, souvent huit fois séculaires également, qui ne disposent pas de telles ressources du fait qu’elles se trouvent dans des communes de quelques centaines d’habitants… Pour autant, je ne lâche pas mon combat et essaye, avec le soutien des Français qui se manifeste par l’adhésion populaire au Loto du Patrimoine, de mener à bien ma Mission Patrimoine en faveur du patrimoine en péril, et notamment religieux. D’ailleurs, pour la quatrième année, il faut dès à présent les inscrire sur le site de la mission : www.missionbern.fr.
NOTRE DAME DE PARIS La nuit du feu
D’Arnaud Delalande, Yvon Bertorello (scenario), Cédric Fernandez (dessin), Stéphane Bern (conseiller historique et co-rédacteur d’un dossier pédagogique de 8 pages en fin d’album. Glénat, Histoire tous public, 14,95 €.
( 1€ reversé à la fondation Notre Dame pour chaque album vendu )