Article publié dans Histoire Magazine N°3
L’AeCf vient de célébrer ses 120 ans. Ce sont aussi 120 ans d’accompagnement de l’évolution technologique de l’aérostation, de l’aviation et de l’espace…
Laurent Albaret : Exactement ! Depuis sa création le 20 octobre 1898, l’Aéro-Club de France a accompagné les inventions, les innovations, les premiers pas de l’aviation et les développements technologiques durant tout le XXe siècle. L’Aéro-Club de France est reconnu comme la première institution aéronautique au monde, sans pour autant servir de modèle, mais plus d’inspiration pour les autres pays. Avec les premiers temps de la généralisation de l’aérostation, des esprits pionniers ont envisagé d’organiser l’occupation du ciel par une « société d’encouragement à la locomotion aérienne, sous toutes ses formes et dans toutes ses applications ». Cette institution eut donc pour mission d’accompagner les évolutions techniques, de les suivre et de les certifier par une homologation officielle. Le développement de l’Aéro-Club va ainsi aller de pair avec les avancées de l’aérostation – les ballons – et de l’aéronautique – les avions. Après 1945, l’ambition des hommes se tourne vers le cosmos. Une nouvelle fois, l’Aéro-Club de France soutiendra et accompagnera les innovations technologiques par sa commission astronautique, désignée par la Fédération Aéronautique Internationale (FAI) comme « juge unique mondial des records spéciaux ».
La création du Grand Prix de l’Aéro-club de France a été une source d’émulation, les défis lancés par l’institution ont éveillé l’imagination et l’esprit d’invention des pionniers…
Laurent Albaret : La partie compétitive installe en fait avec succès l’existence de l’Aéro-Club de France dans la première décennie du XXe siècle. En 1901, on organise un parc à ballons pour les membres, avec des hangars, des machines de gonflement et des ateliers de réparation sur des terrains acquis dans les coteaux de Saint-Cloud. Le lieu permet de faire de la compétition. La même année, la célèbre coupe Deutsch de la Meurthe est créée pour les aérostiers, avec le Grand Prix de l’Aéro-Club de France, doté de 100.000 Francs pour le premier « navigateur aérien » capable de partir de Saint-Cloud, de contourner la Tour Eiffel et de revenir à son point de départ en moins de trente minutes ! En 1906, la coupe Gordon Bennett, organisée par l’Aéro-Club de France, s’inscrit comme la première compétition aéronautique internationale, mais également automobile et aérostatique. « Plus haut, plus vite, plus loin » devient alors la devise de l’Aéro-Club de France.
L’Aéro-Club de France entretient depuis l’origine des liens privilégiés avec l’Automobile Club de France. Quels sont-ils ?
Laurent Albaret : On le sait peu, mais l’Aéro-Club de France a été fondé par des passionnés qui étaient tous membres de l’Automobile Club de France et conscients de l’importance de cette aéronautique naissante. En 1898, ils sont cinquante-deux cosignataires pour la création de ce que l’on appelle à l’origine « L’Aéro-Club ». Les principaux fondateurs que la presse retient ont marqué l’histoire des deux cercles parisiens : l’avocat et mécène Ernest Archdeacon, l’aérostier brésilien Alberto Santos Dumont, l’industriel de la chimie et du pétrole Henry Deutsch de la Meurthe, l’industriel et pilote Léon Serpollet – qui détient le brevet de conduite automobile n°1 -, le comte Henri de la Valette, l’aéronaute et explorateur Henry de la Vaux, et surtout le pionnier de l’industrie automobile Jules-Albert de Dion, qui sera le premier président de l’Aéro-Club de France jusqu’en 1905. Naturellement, le premier siège social de l’Aéro-Club de France est dans les locaux de l’Automobile Club de France, au 6 place de la Concorde dans le 8e arrondissement de Paris.
En 2018, avec la collaboration du musée de l’Air et de l’Espace, nos deux institutions se sont de nouveau rapprochées, par une exposition commune intitulée « Moteurs de rêve 1898-2018 », exposition dont l’organisation fut assurée par trois commissaires, chacun issu des trois entités.
La vocation de l’AeCf est toujours restée la même depuis sa création. Les membres de l’Aecf aujourd’hui sont-ils animés des mêmes motivations que les fondateurs ?
Laurent Albaret : les temps ont changé, mais si les évolutions techniques existent toujours – surtout dans le domaine du spatial ! Les membres actifs de l’Aéro-Club de France en ont conscience et les commissions créées au sein de l’institution ont évolué, mais perdurent. Initialement, des commissions avaient été montées pour soutenir les activités de l’Aéro-Club : la documentation technique et sportive, les records, l’attribution des brevets de pilotes d’aérostats – et par la suite des pilotes d’avion «les plus légers» que l’air ou encore les plus lourds que l’air. Aujourd’hui, quatorze commissions œuvrent notamment dans les domaines du patrimoine, de l’histoire, des arts et des lettres, de l’humanitaire, des meetings ou encore du handicap.
Comment se traduit aujourd’hui la valorisation de l’aérien, qui était la motivation première des fondateurs de l’Aecf ?
Laurent Albaret : l’Aéro-Club de France conserve ses dernières décennies son image de pionnier historique de l’aviation, mais revendique, par les parcours professionnels de ses membres, une expertise dans le domaine technologique et tend à se recentrer sur la préservation et la valorisation du patrimoine. En 2018, sous la présidence de la double championne du monde de voltige aérienne Catherine Maunoury, première femme présidente de l’Aéro-Club de France depuis sa création, l’institution continue d’être la garante de la transmission d’un patrimoine de liberté et de fraternité autour de l’aérien. Son action s’appuie essentiellement sur ses commissions, mais aussi sur ses prix et sur la médaille d’or de l’Aéro-Club de France, attribuée chaque année (en 2018, elle fut décernée à Thomas Pesquet). Grâce à son rayonnement international, l’Aéro-Club de France collabore à l’homologation de records internationaux, soutient la formation des Cadets de l’air issus de dix-neuf pays et participe à de nombreux projets et initiatives innovantes dans le domaine aéronautique pour permettre – toujours- d’aller plus haut, plus vite et plus loin !