Coups de Choeur pour …  Le Panthéon. Entretien avec Bruno FULIGNI
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Photo : L’intérieur du Panthéon présente sur la surface intérieure du dôme du Panthéon une peinture réalisée par Antoine-Jean Gros, en 1811 à la demande de Napoléon, représentant l’Apothéose de sainte Geneviève. Photo Piero d’Houin
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Coups de Choeur pour … Le Panthéon. Entretien avec Bruno FULIGNI

par | Chronique, N°1 Histoire Magazine, Patrimoine

Maître de conférence à Sciences-Po Paris. Historien et écrivain.

Article publié dans Histoire Magazine N°1

Vous relatez cette mésaventure de Louis XV, qui va décider de l’édification de cette imposante basilique…
Bruno Fuligni : En 1744, le jeune roi tombe malade alors qu’il est venu inspecter les fortifications de Metz. Son état est si grave que la France s’apprête à perdre Louis « le Bien-Aimé », surnom qui lui est donné au moment de ce qui ressemble à une agonie. Il fait alors le vœu d’élever une gigantesque église à Paris s’il est guéri : ce sera l’église Sainte-Geneviève, qui deviendra notre Panthéon.

C’est un chantier qui va durer des années …

Bruno Fuligni : Le roi tient sa promesse, mais prend son temps. Il faudra onze ans pour choisir l’architecte, Soufflot. Celui-ci est bientôt en butte aux concurrents déboutés et jaloux, qui vont le rendre malade à force de médisances. En outre, le chantier est colossal, c’est même le plus gros du royaume : il faut d’abord raser le couvent des Génovéfains, puis consolider le terrain, avant de bâtir un monument qui va représenter 17 000 tonnes de pierre et de métal… Quand l’église se termine, Louis XV n’est plus, Soufflot est mort et la monarchie elle-même n’en a plus pour longtemps, puisque nous sommes à la fin de 1789…

Bien que destiné à l’origine à abriter la châsse de sainte-Geneviève, l’édifice va changer rapidement de vocation …
Bruno Fuligni : À la mort de Mirabeau, en effet, le monument est dédié aux grands hommes : il va recevoir les restes mortels des héros de la Révolution, y compris Voltaire et Rousseau, morts depuis longtemps. En réalité, nombre de panthéonisations, votées dans l’effervescence d’une séance parlementaire, ne seront jamais suivies d’effet.

Certains « locataires » de la première heure, tel Mirabeau, vont séjourner peu de temps dans ce lieu devenu Panthéon national …
Bruno Fuligni : Quand est découverte sa correspondance secrète avec Louis XVI, Mirabeau est rejeté du Panthéon : en 1889, pour le centenaire de la Révolution, on chercha vainement ses ossements dans le cimetière des pauvres où ils ont fini. Mirabeau est remplacé par Marat, lui-même expulsé quelques mois plus tard… Un décret précisera qu’il vaut mieux attendre dix années avant de panthéoniser un grand mort, le temps que les passions politiques s’apaisent.

En 1801, Bonaparte va rendre l’édifice à sa vocation initiale …
Bruno Fuligni : La nef est rendue au culte catholique, mais la crypte demeure nécropole de l’État : on n’y inhume plus les grands hommes mais les dignitaires du régime et en particulier les sénateurs. Jusqu’en 1815, quarante-trois personnages entrent ainsi au Panthéon sans avoir été panthéonisées.

Tout cela permet de faire se côtoyer dans ce « temple de la mémoire » des personnalités hétérogènes, aux valeurs morales diverses…
Bruno Fuligni : Certes ! Hugo et Jaurès doivent cohabiter avec Ordener, l’homme qui enleva le duc d’Enghien en pays neutre pour le conduire au peloton d’exécution, ou encore un personnage aussi abominable que Claude-Ambroise Regnier, duc de Massa, traître à répétition, putschiste et assassin, auteur d’une circulaire invitant les préfets à ignorer les mariages entre Noirs et Blancs… Si Fouché était mort avant 1815, il reposerait au Panthéon !

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