La sélection d’Eric Anceau
Article publié dans Histoire Magazine N°11
Outre La première élection présidentielle de l’Histoire. 1848, (voir page 11) deux autres ouvrages viennent de sortir sur la Deuxième République, et ces trois livres se complètent bien. Dans le sien, Marie-Hélène Baylac aborde l’ensemble de la Deuxième République. Elle montre comment la France semble alors rejouer la Grande Révolution en accéléré : chute de la monarchie et instauration de la République, division des vainqueurs, instabilité du régime, coup d’État et enfin restauration de l’Empire. Elle nous donne surtout à voir la modernité de cette République qui, en plus d’instaurer le suffrage universel masculin et d’abolir l’esclavage, nous a légué la fracture contemporaine entre des droites et des gauches, les débats sur la nature des pouvoirs exécutif et législatif, la présidence élue au suffrage universel. Les développements consacrés, d’une part, aux rêves d’un monde meilleur, aux malentendus du régime et aux désillusions des socialistes et, d’autre part, au « spectre rouge » et à son instrumentalisation à droite sont parmi les plus réussies. Le livre souligne justement, et c’est même son titre, combien cette « peur du peuple » devient primordiale au sein des élites. Lui répond la défiance populaire à l’égard de celles-ci. Cette question nous parle d’autant plus que nous avions donné, il y a quelques mois, Les élites des Lumières au grand confinement, ouvrage dont ce thème constituait le fil conducteur (NDLR, Passés Composés, 2020) ! De son côté, Maxime Michelet revisite la même période, mais au prisme de sa principale figure, Louis-Napoléon Bonaparte. Il montre comment l’homme a inventé la première magistrature de notre France contemporaine, tant par l’exemple que par le contre-exemple, car il incarne le peuple à l’ère du suffrage universel, ce qui fera dire à son ami Persigny, théoricien du bonapartisme, qu’il est l’« homme-peuple ». Le chapitre central du livre de Maxime Michelet intitulé « le peuple et le président » mérite ici une mention particulière. Il est inutile de souligner l’écho de cet ouvrage dans notre actualité de la Ve République.
L’invention de la présidence de la République
L’oeuvre de Louis-Napoléon Bonaparte
Maxime Michelet
Passés composés 2022 400 p. 24 €
LA PEUR DU PEUPLE
Histoirede la IIe République 1848 – 1852
Marie-Hélène Baylac
Perrin 2022,
480 p. 24 €
