<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Entretien avec Anne Catherine Robert-Hauglustaine Directrice du musée  de l’air et de l’espace…
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Photo : Expo temporaire du 15/10/2016 au 29/01/2017
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Entretien avec Anne Catherine Robert-Hauglustaine Directrice du musée de l’air et de l’espace…

par | 14-18 : la guerre des airs, Entretiens, N°3 Histoire Magazine, Première Guerre mondiale, XXème siècle

Article publié dans Histoire Magazine N°3

Avec l’ambition de montrer que l’histoire se vit au présent, et qu’il existe mille façons d’exercer une profession en rapport avec sa passion, HISTOIRE MAGAZINE se propose de vous faire découvrir ces passionnés qui, au quotidien, exercent des métiers en rapport avec le patrimoine, le spectacle historique, l’écriture, l’enseignement ou la connaissance du passé…
Anne-Catherine Robert-Hauglustaine vient de prendre la direction du prestigieux musée de l’Air et de l’Espace au Bourget et, si contrairement à ses prédécesseurs, elle ne pilote pas d’avions, elle a toutes les compétences pour «piloter» le musée. Entretien…

Quand vous est venue cette passion de l’histoire ?

A.C. Robert-Hauglustaine : Aussi loin que je m’en souvienne, j’ai toujours eu la passion de l’histoire. A 9 ans, je voulais être professeur d’histoire. J’avais demandé à mes parents l’encyclopédie Britannica en 25 volumes et on me l’a offerte. C’était inespéré ! L’histoire a toujours été une évidence. Mais pour mon père, ingénieur aéronautique, l’histoire, dont il était passionné lui aussi, ne pouvait pas donner lieu à un métier sérieux. J’ai donc suivi la formation aux préparations des concours d’écoles d’ingénieurs. Et quand j’ai été reçue à ces concours, il m’a fallu le convaincre de ma décision de faire … des études d’histoire.

Quel cursus avez-vous suivi ?

A.C. Robert-Hauglustaine : Après une préparation au concours d’ingénieurs, j’ai suivi une formation de quatre années en histoire avec une spécialité en histoire antique et médiévale à l’université de Liège dont je suis originaire. J’ai ensuite passé un DEA à l’EHESS et au CNAM à Paris en histoire des sciences. J’étais passionnée d’histoire de l’Antiquité et des auteurs latins, et notamment de Pline. J’ai fait beaucoup de latin et de grec quand j’étais plus jeune. Mon professeur m’a proposé un sujet sur les procédés de soudage des métaux dans la littérature grecque et romaine.

Quel a été votre sujet de thèse?

A.C. Robert-Hauglustaine : Pour ma thèse, on m’a conseillé, ce qui se fait assez rarement, de garder le sujet et de changer de période. J’ai donc fait une thèse sur l’évolution des procédés de soudage des métaux dans l’industrie, entre 1889 et 1939. C’est un sujet spécifique sur lequel personne d’autre ne travaillait. Cela m’a permis de croiser véritablement toutes les disciplines en histoire industrielle, histoire économique, en histoire des sciences et des techniques mais aussi en histoire sociale. J’ai beaucoup travaillé sur les métiers de soudeurs et comment ces métiers étaient passés d’un apprentissage sur le terrain, à un apprentissage encadré dans des écoles et en particulier pour les ingénieurs, qui, lorsque les procédés de soudage des métaux se sont développés dans l’industrie, n’étaient pas formés. On a donc créé en France une école supérieure de soudure autogène qui existe toujours et qui s’appelle aujourd’hui l’École supérieure du soudage et des applications. J’ai dépouillé toutes les archives des étudiants depuis sa création en 1931, jusqu’en 1960. Cela m’a donné un corpus assez intéressant de parcours de jeunes professionnels ingénieurs, contremaîtres et ouvriers. J’ai soutenu ma thèse en 1997 à l’EHESS Paris IV avec Gérard Emptoz et Denis Woronoff.

Vous destiniez-vous aux métiers de l’enseignement ?

A.C. Robert-Hauglustaine : Oui, je me destinais à une carrière académique, passer les concours de maître de conférences puis de professeur. En fait, j’enseignais déjà depuis quelques années. De 1994 à 1998, je suis partie aux Etats-Unis en postdoc, où j’enseignais à l’université du Colorado l’histoire des sciences et des techniques. Rentrée en France, je me préparais aux concours et là, une opportunité s’est présentée au musée des arts et métiers. Un poste se libérait comme responsable du domaine des transports, l’équivalent de conservateur de collections. Je n’avais pas la formation initiale de l’INP mais j’avais les compétences avec ma thèse de doctorat et ma connaissance du terrain sur les différentes industries liées au transport en général. J’ai donc été recrutée sur ce poste-là.

Vous intégrez le musée des Arts et Métiers à Paris, et vous y resterez près de 10 ans, avec de nombreuses responsabilités au sein de cette structure …

A.C. Robert-Hauglustaine : Je me suis retrouvée à installer toutes les œuvres dans ce musée, qui était en fin de rénovation. Et notamment l’installation des avions dans la chapelle, le Bréguet, le Blériot. C’était une chance inouïe pour moi après l’aspect théorique de découvrir l’aspect muséal et des collections. En parallèle, on m’a confié très rapidement le secrétariat de direction de la revue du musée des Arts et Métiers. Je travaillais sur toute la politique éditoriale du musée. Et très rapidement à la réouverture, j’ai pris les fonctions de directeur du département des expositions et des éditions, en charge de toutes expositions temporaires et de toute la politique des éditions. Puis je suis devenue rédacteur en chef de la revue du musée des Arts et Métiers dont j’ai géré une vingtaine de numéros. Cela me permettait d’avoir un travail transdisciplinaire sur la politique des expositions temporaires avec les conservateurs et sur les contenus et la publication des sujets en lien avec la valorisation des collections et les activités du musée.

Aviez-vous renoncé à enseigner ?

A.C. Robert-Hauglustaine : Jamais. En parallèle, j’ai toujours enseigné à la Sorbonne. Juste après ma thèse, j’enseignais déjà à l’université technologique de Troyes et très rapidement, on m’a proposé d’enseigner un cours sur le patrimoine industriel et technique à l’université de la Sorbonne en UFR 09, UFR d’histoire et rapidement on m’a demandé de créer un cours de méthodologie des expositions temporaires. Et donc durant toute la période où j’étais au musée des Arts et Métiers puis au Jardin des sciences, j’enseignais dans le master 2 « Patrimoine et musées, gestion de projets culturels », dont je suis maintenant depuis quatre ans le professeur référent. En 2014, j’ai été élue professeur à la Sorbonne.

Puis, vous occupez le poste de directrice adjointe du Jardin des sciences de l’université de Strasbourg…

A.C. Robert-Hauglustaine : Ma mission était de réorganiser le Jardin des sciences pour qu’il devienne le plus grand centre de culture scientifique rattaché à une université, avec des fonctions à la fois de gestion de collections (il y a 11 typologies de collections différentes en gestion) et de plusieurs musées mais aussi des fonctions de diffusion de la culture scientifique et technique, ce qui me passionne particulièrement, essayer de sensibiliser le public à la compréhension des phénomènes scientifiques et techniques. J’ai beaucoup travaillé avec les chercheurs, les enseignants mais aussi avec les collectivités, avec les écoles et à l’international, puisque c’était un des points qui m’intéressait particulièrement.

Quelles fonctions occupez-vous au sein du Conseil international des musées (ICOM) ?

A.C. Robert-Hauglustaine : J’ai d’abord occupé des fonctions bénévoles en parallèle à l’ICOM. J’avais été élue présidente d’un comité international des échanges d’expositions ICEE et j’ai ensuite été proposée par le comité français pour le poste de trésorière de l’ICOM internationale, j’ai été élue en 2013. Ce sont des fonctions bénévoles en parallèle de nos fonctions dans les musées. J’ai aussi été élue en parallèle vice-présidente d’une association de centres de sciences qui s’appelle EUSEA. Quand il y a eu un changement au niveau de la direction générale de l’ICOM, le président m’a proposé le poste de directeur général, que j’ai occupé jusqu’en 2017. En 2014, j’avais pris la direction du conseil international des musées à l’UNESCO, tout en continuant d’enseigner.

Votre histoire familiale vous portait à vous intéresser à l’aéronautique…

A.C. Robert-Hauglustaine : Mon oncle était pilote de chasse et mon père ingénieur aéronautique. J’ai toujours travaillé sur des thèmes en lien avec l’aéronautique. Il y avait donc une forme de cohérence. Lorsque le poste du MAE s’est libéré, j’ai candidaté. J’ai passé toutes les séries d’entretiens. Honnêtement j’ai été assez surprise, je le faisais en me disant que c’est un rêve, car jusque-là on n’avait jamais recruté de directeur qui ne venait pas du monde de l’aéronautique militaire ou civil, c’était un pari pour moi.

Vous avez été nommée directrice du musée de l’Air et de l’Espace par la Ministre des Armées depuis le 1er janvier 2018, faisant de vous la deuxième femme directrice de ce musée, après Catherine Maunoury. Cela revêt de l’importance à plus d’un titre pour vous …

A.C. Robert-Hauglustaine : C’est une première. Gérard Feldzer avait ouvert la voie en étant pilote mais pas militaire, Catherine Maunoury avait ouvert la voie en étant pilote et première femme dans le poste, et pour ma part, je ne suis ni militaire, ni pilote, mais je sais « piloter » un musée, a titré un journal lors de ma nomination.

Vous prenez vos fonctions à un moment clé dans la vie du musée…

A.C. Robert-Hauglustaine : Le musée est actuellement à un tournant. Il est au cœur d’un territoire qui est en profond changement. L’arrivée du métro en 2024 va changer l’organisation en termes d’urbanisme et d’organisation du territoire. Il y a un travail à réaliser pour amener le musée non seulement comme acteur du territoire ce qu’il est déjà, mais comme acteur du Grand Paris. L’enjeu est d’en faire à l’horizon 2024 un grand musée parisien. On me demande une impulsion de développement du musée, il faut se concentrer sur les publics, l’accessibilité à une série de publics et notamment le public étranger qui n’est pas pour le moment le public que nous avons le plus facilement, mais aussi sur la valorisation des collections, la production d’expositions temporaires. On travaille donc sur le modèle économique du musée, les nouveaux apports de visite, sur la manière dont on doit travailler notre typologie de visiteurs, ce sont une série de spécialités que nous maîtrisons au sein des musées. Actuellement, le musée est dans une phase de mutation. On finalise la réorganisation au niveau de la grande Galerie, on y installe la nouvelle scénographie.

L’affluence va s’en trouver considérablement augmentée. Quels sont les axes et les thématiques que vous envisagez de développer dans cette perspective ?

A.C. Robert-Hauglustaine : Le projet scientifique et culturel que nous écrivons actuellement va plutôt dans l’idée de recentrer sur le fait aérien et le fait spatial, il s’agit de mieux mettre en avant cette transdisciplinarité et le fait que c’est un musée dont les collections sont d’un niveau mondial exceptionnel. Nous y avons ajouté, c’est un point nouveau, l’astronomie et la navigation aérienne. Nous disposons d’un planétarium. Nous préparons aussi une exposition permanente sur la navigation aérienne, et le contrôle aérien pour 2020. Les nouvelles acquisitions se feront autour de ces thématiques. On réfléchit aussi sur la mise en valeur de la collection photographique du musée.

Le musée de l’Air et de l’Espace au Bourget est aussi un lieu chargé d’histoire …

A.C. Robert-Hauglustaine : Il est implanté sur un site historique. En 1937, on construit l’aérogare dans un style Art déco. C’est un musée de site, un musée d’histoire des sciences et techniques et on insiste aussi sur le fait que c’est un lieu de mémoire. De plus en plus, le musée est le lieu où l’on installe des monuments commémoratifs. On a le monument commémoratif du régiment de chasse Normandie-Niemen, et dernièrement on a installé avec l’Armée de l’air un Mémorial aux aviateurs morts en mission. Ce Mémorial sera inauguré l’année prochaine, avec un espace dédié dans le musée pour expliquer en quoi consistaient ces missions, dans quelles conditions elles se déroulaient, pour faire le lien entre l’histoire et la mémoire. Ce sont des points que nous allons développer dans les prochaines années.

En 2019, le musée va célébrer son centenaire…

A.C. Robert-Hauglustaine : Des manifestations sont prévues sur toute l’année 2019, mettant en scène les collections du début de l’aérostation, la Première Guerre mondiale, les 50 ans du Concorde, l’Airbus, le premier homme sur la Lune, etc. Le musée couvre une période et des domaines très étendus, des débuts de l’aviation jusqu’aux plus récentes innovations techniques de l’aéronautique.

Où va votre préférence ?

A.C. Robert-Hauglustaine : J’adore ce musée. Je suis passionnée par les débuts de l’aviation, la collection d’aérostation, les ballons, les premiers dirigeables -c’est extraordinaire-, mais j’ai une préférence pour la période de l’Entre-Deux-Guerres, qui est une période en histoire que j’aime beaucoup, et particulièrement le développement d’une aviation d’abord dans un cadre militaire qui devient très rapidement une aviation civile, le début du transport des passagers, l’aéropostale, et on continue sur l’évolution des techniques tant militaire que civile. Et avec l’arrivée de l’A380 au musée, cela ouvre beaucoup de perspectives ! Il sera ouvert au public fin 2019.

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