Article publié dans Histoire Magazine N°13
Rares sont les documents du XIXe siècle encore en mains privées. C’est le cas pourtant de la correspondance échangée entre le capitaine Sébastien Poirot et son épouse Léonie durant la guerre de Crimée, sous Napoléon III (1854-1856), publiée aux éditions L’Harmattan en deux volumes intitulés Un cuirassier en Turquie et Guerre en Crimée, et commentée par Delphine Dubois, documentaliste à Versailles, et Jérémie Benoit, conservateur général honoraire du Patrimoine. Envoyé combattre les Russes aux côtés des Turcs et des Anglais dans un conflit dont il ne comprenait pas le sens, Histoire Magazine 87 88 Histoire Magazine Histoire en cultures – Histoire en cultures – HistoLa librairie par Bruno Moysan, Thibault Tellier, Philippe Martin, Guy Stavridès, Serge Gadal, Sylvie Dutot, Bruno Fuligni Poirot, originaire de Puzieux, au sud de Metz, séjourna durant un an en Turquie avant de gagner la Crimée avec son régiment, le 9e cuirassiers. Mais il ne combattit pas, il y avait en effet un contresens à employer la grosse cavalerie dans une guerre de siège, menée autour de la ville de Sébastopol. La déception fut grande pour ces cavaliers d’élite qui n’attendaient qu’un ordre pour intervenir. Occupé à visiter la Turquie Poirot tentait de vivre au mieux, en décrivant sa vie et en rêvant à sa jeune épouse demeurée chez sa mère à Châlons-sur-Marne. Poirot se heurta à sa hiérarchie et aux officiers bien nés qui, ayant un avenir tout tracé, se poussaient dans la carrière, quand lui et ses compagnons ne pouvaient comp- ter que sur leur engagement. Le dégoût de son état finit par saisir Poirot et il se mit à haïr son colonel, La Martinière, aristocrate prétentieux et étriqué, qui ne favorisait que ses semblables. Contrairement à d’autres documents sur la guerre de Crimée, les quelques 287 lettres de cette correspondance valent par leur enseignement sur les conditions de vie des soldats en campagne et sur les conditions de vie des femmes au XIXe siècle, et l’on s’aperçoit alors que l’égalité entre époux n’était pas un vain mot dans certaines classes sociales aisées ayant bénéficié des conquêtes révolutionnaires. Une correspondance très particulière, où les sentiments occupent une place centrale et qui se lit comme une sorte de grand roman d’amour dans l’esprit romantique.
“UN CUIRASSIER EN TURQUIE (1854-1855) Correspondance”
Commenté par Delphine Dubois et Jérémie Benoit L’Harmattan 230 p. 2023 25€