Article publié dans Histoire Magazine N°13
«Où commence et où s’achève un acte de trahison?» Dans l’histoire, la trahi- son semble en effet à géométrie variable et cet ouvrage collectif, comprenant une bonne vingtaine de contributions, a le mérite de faire le tour de la question posée. Outre des portraits de «traîtres» emblématiques (Condé, le connétable de Bourbon, le chevalier de Rohan, Dumouriez, Bazaine, Quisling, etc.), plusieurs études sont plus générales, comme celle d’Éric Anceau, avec son chapitre sur «l’obsession du complot dans la France du XIXe siècle».
Il est significatif par contre qu’aucune contribution ne porte sur la guerre de Cent Ans où les allégeances étaient floues et changeaient fréquemment, ce qui suffirait d’ailleurs à relativiser cette notion de «trahison» dont il est question ici. Ainsi, la Révolution française considère comme traîtres potentiels tous ceux qui n’adhèrent pas à ses principes. La période fait ainsi naître des fidélités ambiguës: «Les notions de patrie et de nation sont encore bien floues. Si pour les républicains, la patrie se confond avec le sol, pour les émigrés, la patrie c’est la personne du roi.» Pour les révolutionnaires, l’appellation d’aristocrate se confond alors avec celle de traître et définit quiconque s’oppose au régime. Quant aux émigrés, la problématique est symétrique : «Fidèles à une cause perdue, ils ont bravé une légitimité qui s’édifiait sur les têtes coupées de leurs parents et de leurs co-religionnaires. Ils ont voulu continuer à servir la France de leurs pères alors que le pays accouchait dans la douleur d’un monde nouveau.» La période des Cent jours soulève les mêmes questions.
Finalement, pourrait-on conclure, dans les termes proposés par l’un des auteurs, «trahit-on en restant fidèle à une ancienne conception du monde ?»
“TRAÎTRES Nouvelle histoire de l’infamie”
Franck Favier et Vincent Haegele (dir.) Passés Composés 272 p. 2023 22€