Article publié dans Histoire Magazine N°13
On sait qu’il n’y eut pas en Amérique latine d’êtres humains antérieurs à l’apparition d’homo sapiens, mais un certain flou existait jusqu’à récemment sur la question, souvent débattue, du peuplement originel. Le dernier livre de Carmen Bernard, historienne universitaire et anthropologue, nous apporte de nouveaux éléments de réponse.
L’auteur estime que les premières migrations en provenance d’Asie remontent aux environs de 30000 ans avant J.-C.. Elles sont intervenues par voie de terre (le détroit de Béring que nous connaissons étant alors au-dessus du niveau de la mer), mais aussi et surtout par cabotage le long des côtes, ce qui est un élément tout à fait nouveau. Les populations en question provenaient de Sibérie, au sens large, mais on sait désormais, élément troublant, que les premières populations ne présentaient pas de traits mongoloïdes. De plus, on relève parfois des liens ethnologiques avec les Aïnous et les Polynésiens.
Malgré le fait que le néolithique américain ne connaît pas d’animaux de trait, comme les bœufs ou les chevaux en Europe (ce qui explique que l’usage de la roue y est inconnu), les bandes de chasseurs-cueilleurs originelles sont peu à peu devenues agriculteurs et ont bâti des cités puis de puissants empires (inca, maya, aztèque) dont l’histoire, les mythes et les coutumes sont relatés et analysés ici avec précision par l’auteur. La question des sacrifices humains et de l’anthropologie pratiqués par les Aztèques n’est pas oubliée.
On évoquera notamment, s’il s’agit de faire un choix, la «singularité des Mayas». Ainsi, pour Carmen Bernard, «les Mayas n’ont jamais disparu… Malgré les guerres civiles et l’exploitation sauvage qu’ils ont subie dans les plantations du Yucatan, ils ont gardé leur langue et même leurs livres… On les retrouve dans le Chiapas à la fin du XXe siècle… Les Mayas sont éternels.» Le livre met notamment l’accent sur la splendeur de la civilisation des Mayas à l’époque classique (300-900) avec le développement des mathématiques (invention du zéro), de l’astronomie, l’élaboration de calendriers complexes. Un chapitre entier est consacré au déchiffrement de l’écriture maya, fondée sur des «glyphes», selon le même principe que les idéogrammes égyptiens, mais qui comportent également une composante phonétique. Si les livres sacrés mayas ont été presque tous détruits par les missionnaires espagnols, il nous en reste encore quatre, dont le Codex de Dresde, traité d’astronomie et de divination.
Ce gros et bel ouvrage, qui nous retrace 30000 ans d’histoire de l’Amérique latine, s’appuie sur une approche multi-disciplinaire : archéologie surtout, mais aussi botanique, géologie, ethnographie. Comme on l’a vu plus haut, il fait appel aux sources les plus récentes. Enfin, il est enrichi par une magnifique et abondante iconographie et plus de trente cartes inédites. Nous tenons certainement ici la nouvelle référence sur l’Amérique latine précolombienne par l’un des plus grands spécialistes de cette période.
“L’AMÉRIQUE LATINE PRÉCOLOMBIENNE Des premiers peuples à Tupac Amaru. Dernière glaciation – XVIe siècle “
par Carmen Bernard Coll. Mondes anciens BELIN 680 p. 2023 49€