Article publié dans Histoire Magazine N°12
Le discours actuel fait de la violence un principe contraire à l’idée même de civilisation. L’ouvrage dirigé par Yves-Marie Bercé nous oblige à repenser ce qui n’est pas une évidence. Entre le XVIe et le XIXe siècle, la société rurale française a vécu quatre sortes de violences. La première est encadrée parle pouvoir qui arme les Communes pour ré-sister à des invasions ou garder les rivages.La seconde est communautaire ; c’est celle des communautés qui se soulèvent contre le pouvoir essentiellement pour des raisons fiscales. La troisième est identitaire quand des groupes de jeunes défendent ce qu’ils considèrent l’honneur de leur village face aux voisins. La dernière est incontrôlée, alcooliques qui tuent au hasard, dérangés qui massacrent ou voleurs qui tentent de s’échapper. Les villageois réagissent différemment, manifestant une « relative tolérance » (p. 324) vis-à-vis de certaines formes de violence, et usant de divers recours pour éviter que certains conflits soient jugés par des « étrangers » ; ils en appellent au curé, à l’assemblée villageoise… Ce monde change à partir du XVIIIe siècle avec l’apparition de bandes organisées, le délitement de la communauté rurale et le renforcement d’un Etat qui impose ses forces de l’ordre et favorise le recours à la justice au détriment des formes traditionnelles de médiation. Composé de neuf articles, cet ouvrage nous fait entrer enBeauce, en Quercy, en Vendée ou dans lesFlandres. Nous y rencontrons les habitants de Beaumont-sur-Oise qui s’alarment d’une possible famine en 1775, Bernard Calmels qui dirige une troupe dans l’actuel département de l’Aveyron en 1643, les vingt villages qui s’arment en novembre 1590 pour défendre la cité de Carhaix menacée ou Nicolas Lebert roué de coup dans un cabaret en 1713. Tous nous présentent un monde qui a disparu même si la violence s’exprime maintenant sous d’autres formes.
LA VIOLENCE AU VILLAGE XV°-XIX° siècle
Dirigé par Yves-Marie Bercé
Ed. Passés Composés 384 p. 2022,24 €