<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> La guerre russe ou le prix de l’empire. D’Ivan le Terrible à Poutine

6 septembre 2024 | Livres, N°14 Histoire Magazine

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La guerre russe ou le prix de l’empire. D’Ivan le Terrible à Poutine

par | Livres, N°14 Histoire Magazine

Article de la revue Histoire Magazine N14
Ce livre est essentiel pour quitter l’actualité pour mieux y retourner, pour abandonner les constats de l’immédiat pour comprendre une situation.

Pierre Gonneau, grand spécialiste de l’histoire de la Russie, y décrit « la folie russe entre périodes d’expansion et de repli » (p. 8) : le besoin d’un empire sans frontière. En retraçant l’histoire des conflits entre 1547 (émergence de la Moscovie) et 2022 (intervention en Ukraine), il présente les affrontements majeurs sur le territoire russe : Poltava (1709), campagne de Russie (1812), guerre de Crimée (1854-1855), suites de la Première Guerre Mondiale (1917-1918), Seconde Guerre Mondiale (1941-1944). Il analyse aussi les conflits hors de ce pré carré : arrêt des Turcs (1733-1739), liquidation de la Pologne (1762-1796), intervention dans les Balkans (1826-1830) ou en Géorgie (2008). Toutes ces guerres se sont faites au prix de pertes humaines effroyables, de la mobilisation de toutes les énergies (y compris la religion) et de l’exaltation d’un sentiment national qui placerait le Russe à part. Au-delà des faits, cet ouvrage montre que trois ressorts sont toujours en jeu. Le premier est le sentiment d’avoir hérité d’une mission : protéger l’ordre européen contre la France révolutionnaire et Napoléon, être le gendarme de l’Europe au milieu du XIXe siècle ou défendre un nouvel ordre mondial lors de la Guerre Froide. La Russie ne se contente pas de combattre, l’armée incarne une responsabilité universelle. La seconde est la fragilité du pouvoir en temps de conflit avec des tensions sous le règne de la Grande Catherine (1763-1775), l’insurrection des Décembristes (1825) ou la Guerre Civile (1918-1920). Les chocs ont été violents mais, à chaque fois, le pouvoir russe s’est maintenu au prix d’un renforcement autoritaire et d’une repli. Enfin, ce sont les hésitations entre ce que l’auteur appelle les « frontières fines », donc une simple ligne face aux autres États (comme en 1921 ou 1991), ou la « frontière épaisse », avec l’installation d’un glacis protecteur (comme à partir de 1945). La Russie ne se contente pas d’essayer de redessiner les cartes géopolitiques, elle reconstruit le passé pour que, par la commémoration, il devienne la légitimation du présent.

Pierre Gonneau, La guerre russe ou le prix de l’empire. D’Ivan le Terrible à Poutine, Paris, Tallandier, 2023, 540 pages, 26 euros

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À propos de l’auteur
Philippe Martin

Philippe Martin

PHILIPPE MARTIN est professeur d’histoire à l’université Lyon 2. Il a dirigé le GIS-Religions du CNRS et l’ISERL (Institut supérieur d’études des religions et de la laïcité). Ses recherches l’amènent à étudier les pratiques religieuses des croyants du xvie siècle à aujourd’hui. Il a publié sur l’histoire des pèlerinages, de la mort et de la messe, plaçant au cœur de son travail l’individu et son comportement.
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