Née à Venise, fille d’un médecin-astrologue du roi, épouse d’un notaire du roi, elle a toujours vécu dans l’entourage de la Cour. Devenue veuve (1387), elle continue à la fréquenter mais doit trouver un moyen de vivre et d’exister : elle devient une auteure même si c’est « chose non usagée que femme écrive » (sic p. 77). Après quelques tâtonnements, elle trouve sa voie : « Alors je fus aise quand j’eus trouvé le style à moi naturel » (sic p. 80). Sa renommée est immense. Elle fréquente les plus grands, participe au Cercle des Élégants, côtoie les humanistes parisiens et débat avec les esprits les plus éclairés. Elle ne se contente pas de noircir, à certains moments, plus de 200 feuilles par an ; elle anime un véritable atelier de copistes ce qui lui permet de vendre ses textes et d’obtenir des rentes. Elle répond aussi aux commandes de Grands comme Guillaume le Hardi ou Philippe de Bourgogne. Elle a joué sur tous les styles. Commençant par raconter sa vie, elle propose ensuite des traités de morale, se fait historienne de Charles V, distribue des conseils, compose des poésies, écrit nombre de lettres, critique le roman courtois, rédige des oraisons… Elle prend la défense des femmes lors de la querelle du Dit de la rose (1401-1402). Jugeant la politique de son temps, elle rend un hommage appuyé au roi Charles V, justifie l’impôt royal et en appelle à la fierté nationale. Elle donne aussi des conseils aux femmes, leur expliquant comment bien gérer leurs maisons et, surtout, elle les incite à se « réaliser » par l’éducation. Cette remarquable biographie ne se perd pas dans les anecdotes familiales ; elle nous présente, avec une très grande précision, la trajectoire intellectuelle d’une femme qui sait juger ses contemporains et un siècle tourmenté. Elle vit la crise politique de 1405 et est obligée de se réfugier dans un couvent à Poissy après la chute de Paris aux mains des alliés des Anglais. Elle est au cœur des évènements. Elle qui aime tant la France voit le début de l’épopée de Jeanne d’Arc, mourant confiante avant la chute de cette héroïne. Quand elle était enfant, sa mère aurait voulu qu’elle s’occupe de « filasses » ; devenue femme, elle s’est occupée de lettres. Elle a rempli le contrat moral qu’elle se fixait en 1405 : « Que ton nom soit reluisant après toi par longue mémoire » (sic p. 91).
Françoise Autrand, Christine de Pizan. Une femme en politique (1365-1430), Paris, Tallandier, Texto, 554 pages, 13 euros