<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Nouvelle histoire de l’Ouest Canada, États-Unis, Mexique (fin XVIIIe-début XXe siècle)

Nouvelle histoire de l’Ouest Canada, États-Unis, Mexique (fin XVIIIe-début XXe siècle)

par | À la une, Dossiers, La guerre de l'Antiquité à nos jours, Livres, N°14 Histoire Magazine

Article de la revue Histoire Magazine N14
La grande histoire de l’ouest restait toujours à écrire, du moins dans une seule et unique synthèse. Dans cet ouvrage de l’historienne Soazig Villerbu, il ne s’agit pas seulement de l’Ouest américain, mais aussi de l’Ouest canadien et espagnol qui, à la suite de l’indépendance du Mexique, deviendra mexicain.

Pour la première fois dans un ouvrage en Français, on dresse un tableau d’ensemble de la colonisation de cet immense territoire qui n’a rien du désert si souvent dépeint par la propagande américaine. La conquête de l’ouest, comme elle a été si longtemps présentée, c’est d’abord et avant tout un choc de civilisation. C’est l’homme blanc qui tente d’imposer son mode de vie et ses règles économiques sur les Premières Nations amérindiennes. Au fil des chapitres, Mme Villerbu démontre bien les différentes étapes de cet assujettissement progressif qui passe par le non-respect des traités, le vol de terres, la corruption, les massacres et l’enfermement à l’intérieur de réserves aux conditions de vie inhumaines.

D’aucuns seront portés à croire qu’il s’agit d’un génocide organisé par les pouvoirs politiques. Dans son analyse, l’historienne fait montre de beaucoup plus de nuances vis-à-vis de cette conclusion. En effet, aucune extermination n’a été décidée à Washington ou à Ottawa. Il s’agit souvent d’initiatives privées perpétrées au nom des États-Unis ou du Canada. Mais évidemment, les États-Unis et le Canada ne sont pas exempts de tout reproche. Si ces gouvernements n’ont pas ordonné l’extermination physique des Premières Nations, ils ont mis en place des politiques d’assimilations, ce qu’on appelle aujourd’hui un génocide culturel. La Commission Vérité et Réconciliation ordonnée par le gouvernement canadien a justement clarifié le rôle central des pensionnats et de l’Église Catholique dans l’application de ces mêmes politiques. Le Canada ne peut plus aujourd’hui regarder son voisin américain de haut en disant que sa « conquête » de l’ouest s’est faite de façon pacifique, une croyance qui perdure toujours aujourd’hui. En fait, Mme Villerbu démontre avec brio la similarité des politiques instituées par les deux géants du nord.

Hormis les Premières Nations, les Mexicains sont également les grands perdants de cette conquête. La guerre du Mexique a permis aux États-Unis d’annexer 1,36 million km2, privant ainsi ce pays de 80 000 de ces concitoyens. À l’instar de la conquête de la Nouvelle-France en 1763, les Mexicains, du jour au lendemain, sont devenus des citoyens de seconde zone. Pour eux comme pour les Canadiens français qui deviendront des Québécois, cette conquête est une catastrophe économique et culturelle. Par exemple, lors de la ruée vers l’or en Californie, nombre d’entre eux se sont fait dépouiller de leurs terres par la force sans que les nouvelles autorités américaines n’interviennent afin de réprimer ce genre de spoliations. Comme on dit au Québec, on en fait des porteurs d’eau, une main-d’œuvre abordable et corvéable à merci. Dans les nouveaux territoires annexés par les États-Unis, les Mexicains ne sont pas mieux considérés que les Amérindiens ou les noirs affranchis après la guerre de Sécession. Pour être entendus, ils doivent désormais parler la langue du conquérant. Ainsi, toute une culture se replie sur elle-même afin d’éviter de disparaître au cœur du « Melting Pot » américain.

En somme, j’ai beaucoup apprécié cet ouvrage. Toutefois, j’aurais souhaité que l’on parle davantage de la violence dans l’ouest, de cette propension à régler les litiges avec le Colt ou la carabine Winchester. Dans ce livre, nulle trace de Wyatt Earp, de Butch Cassidy ou des Dalton. Les frères James sont rapidement évoqués dans le chapitre portant sur la guerre de Sécession qui se révèle très complet et passionnant. Quant à William H.Boney, dit Billy The Kid, on le retrouve dans une sous-partie sur la « Guerre de Lincoln » au Nouveau-Mexique, une guerre entre éleveurs de bétail dont l’histoire a été adaptée au cinéma au tournant des années 80 et 90 (Young Gun 1 et 2).

Certains pourront reprocher au livre la très grande part accordée à l’historiographie sur la conquête de l’ouest. En effet, chaque chapitre esquisse un bilan historiographique relatif au sujet traité. À mon sens, j’estime que c’est à ce niveau que se situe son originalité puisque cela nous permet de voir l’évolution de la pensée et des thèses émises par les historiens et les historiennes depuis plus d’un siècle. Je recommande ce livre à tous les passionnés de l’histoire de l’Amérique du Nord. Il s’agit d’une synthèse qui, j’en suis certain, vous poussera à creuser davantage le sujet.

Nouvelle histoire de l’Ouest
Canada, États-Unis, Mexique (fin XVIIIe-début XXe siècle) par Soazig Villerbu. Ed. Passés Composés. 2023

Mots-clefs :

À propos de l’auteur
Pascal Cyr

Pascal Cyr

Pascal Cyr est docteur en Histoire de l’université de Montréal (Canada). Spécialiste de l’histoire napoléonienne et militaire.
La Lettre Conflits

La newsletter d’Histoire Magazine

Voir aussi