Dimitri Casali et Olivier Gracia cosignent « L’histoire se répète toujours deux fois » chez Larousse reprenant ainsi une citation de Karl Marx, « L’histoire se répète toujours deux fois, la première fois comme une tragédie, la seconde fois comme une farce » et établissent un parallèle entre la situation actuelle de la France, la déliquescence de l’Ancien Régime, l’expérience révolutionnaire et la montée des extrêmes des années 30. Interview croisée …
Propos recueillis par Sylvie Dutot
F.T.H. : Dans ce jeu des parallèles, vous comparez la monarchie de l’Ancien régime à la Constitution de 1958 voulue par le général de Gaulle et qui instaure une monarchie républicaine…
Olivier Gracia : Il y a d’évidentes corrélations entre la Ve République voulue par le général de Gaulle et la monarchie capétienne, tant dans leur dimension symbolique que dans le rôle d’un monarque indépendant, impartial, au-dessus de la mêlée. Le général de Gaulle avait ce souci d’incarnation, si étroitement liée aux rois capétiens et l’instauration d’une verticalité où le président est la tête d’un corps dont les Français sont les membres. La légitimité entière de notre système républicain repose sur « la rencontre entre un homme et un peuple. » Le président n’est jamais qu’un monarque, au règne renouvelé ou enterré après cinq années.
Dimitri Casali : Si la dimension capétienne est solidement ancrée, il y a aussi une dimension napoléonienne évidente avec une relation directe entre le chef et le peuple contre les corps intermédiaires qui minent la souveraineté populaire. Le caractère électif de la légitimité présidentielle est d’essence bonapartiste, avec la rencontre d’un peuple et d’un homme. En l’état, la constitution de la Ve République est une formidable synthèse des différentes expériences politiques du 19e siècle, de la Première République au Second Empire.
F.T.H. : Vous écrivez que l’historiographie des prochaines décennies retiendra l’épisode de la Ve République comme une république d’Ancien Régime avec ses monarques fondateurs, ses monarques légataires et ses monarques débonnaires, une république aristocratique de privilèges indécents …
Dimitri Casali : La Ve République sera surtout enseignée comme l’œuvre politique, institutionnelle du plus grand homme français du XXe siècle. Pour le reste, les historiens du futur observeront les tentatives d’incarnation de nos monarques-présidents qui, à l’exception de François Mitterrand, n’ont jamais été à la hauteur du monarque fondateur. La Ve République a la même qualité mais aussi le même défaut que le système napoléonien à savoir qu’il faut une personnalité exceptionnelle aux destinées de la France pour que ça fonctionne !
Olivier Gracia : L’histoire retiendra aussi toutes les défaillances d’un système à bout de souffle qui a entretenu une caste privilégiée, opulente et éloignée des réalités de leurs fiefs. Par certains aspects, la Ve République a répété les mêmes erreurs que la monarchie d’Ancien Régime dans sa dimension élitiste et aristocratique. La survie du système républicain est étroitement liée à l’incarnation d’une verticalité parfaite entre le chef et le peuple contre les élites financières et politiques. Emmanuel Macron, un homme de fond qui s’est fait élire sur du vide, a compris la nécessité d’incarnation. Toutefois, il est aujourd’hui plus proche d’un Louis-Philippe, monarque bourgeois que d’un Charles de Gaulle, monarque populaire. Le peuple, les classes populaires et moyennes sont les grands absents du règne néo-bourgeois de notre président… Lire la suite
L’Histoire se répète toujours deux fois de Dimitri Casali et Olivier Gracia Éditions Larousse 256 pages 17,95 €
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