Cette anthologie s’appuie sur le constat qu’il n’existe pas d’histoire globale de l’antimonachisme, dont les origines sont pourtant aussi anciennes que le monachisme lui-même. L’époque moderne enregistre un redoublement des attaques contre les moines, émanant des milieux humanistes puis des protestants, mais aussi des administrations de l’État, qui entendent mettre au travail les « oisifs ».
Cela ne change pas la nature de la production hostile aux religieux, qui ne se renouvelle guère du XIVe au XVIIIe siècle, mais continue d’exploiter ses thèmes favoris : le moine gourmand, dépravé, avare et querelleur. L’antimonachisme de la période se réduit finalement à trois orientations que l’introduction s’emploie à décrypter. Certains auteurs n’ont pas d’animosité de principe envers les cloîtres, mais critiquent leurs déviances. D’autres adoptent une posture résolument anticléricale. Leur discours est repris au XVIIIe siècle par les philosophes, notamment Voltaire et le baron d’Holbach. Cependant, la production antimonastique doit avant tout être perçue comme un genre éditorial spécifique. Issu de presses étrangères ou clandestines, il conquiert une place notable dans les bibliothèques privées dans les décennies 1770-1780.
Les quarante-cinq textes retenus couvrent la période 1523-1801. Ils sont soigneusement présentés et contextualisés par une équipe de chercheurs. L’ensemble de l’Europe est abordé, de même que les établissements d’hommes et de femmes. Le livre n’entend pas résoudre tous les problèmes historiques soulevés par le discours antimonachiste, mais montrer la diversité de ses modalités d’expression, à travers la variété des œuvres sélectionnées : documents normatifs produits par les autorités civiles et ecclésiastiques, textes théoriques élaborés par les théologiens, juristes et philosophes, sans oublier le vaste territoire de la fiction, en vers ou en prose. Il apporte ainsi un éclairage important sur une question qu’il ne prétend pas épuiser.
éric Suire
